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TH. MOREUX ET DU LIGONDÈS. — LES CANAUX DE MARS.

Et, dans un même ordre d’idées, le géologue, devant ces coulées basaltiques, se demande-t-il si une intelligence humaine a contribué à cet arrangement ? Est-ce que ces prismes hexagonaux si réguliers dont les axes sont toujours perpendiculaires aux surfaces de refroidissement manifestent autre chose que la présence d’une loi constante présidant aux phénomènes du retrait ? Non, encore une fois, il n’est pas permis de penser que la régularité dérive toujours de l’intervention directe d’une intelligence.

M. Brenner soutient sa thèse en s’appuyant sur deux arguments qui se résument ainsi :

1o Mars est plus âgé que la Terre ;

2o La dynamique externe a dû faire son œuvre et le niveler presque complètement.

L’hypothèse cosmogonique de Laplace a servi de base à cette opinion, fort répandue d’ailleurs. Mais cette hypothèse est à peu près abandonnée. Nous avons toutes les raisons, au contraire, de croire que Mars figure parmi les plus jeunes planètes du système solaire. Les découvertes de nouveaux astéroïdes entre Mars et Jupiter, celle toute récente d’une petite planète circulant entre Mars et la Terre, tendent à prouver de plus en plus, et cela en dehors de toute hypothèse cosmogonique, que dans cette région l’agglomération des matériaux planétaires a été entravée par des actions opposées de Jupiter et de la Terre ; Mars aurait été formé des débris ayant pu échapper à ces attractions. Sa faible masse, sa position au milieu de la grande déchirure du disque planétaire, indiquent suffisamment que la concentration de ses éléments, retardée longtemps, est de date relativement récente. D’ailleurs, s’il en était autrement, Mars qui, pour ses dimensions, tient le milieu entre la Terre et la Lune et se rapproche de cette dernière par sa densité, serait depuis longtemps figé comme notre satellite.

Ensuite, si M. Léo Brenner, qui est certes un astronome habile, voulait considérer la Lune quelques instants, il verrait que « l’action des intempéries » n’a pas eu pour conséquence un nivellement général de la surface.

Et quelles sont ces intempéries dont parle M. Brenner ? Tous les observateurs s’accordent à dire qu’on ne voit presque jamais de nuages sur Mars ; l’atmosphère y est au contraire d’une pureté et d’un calme remarquables.

M. Léo Brenner devrait aussi nous expliquer comment, dans son hypothèse, l’eau provenant de la fonte des neiges polaires retourne au pôle sous forme de neige nouvelle, puisqu’il n’y a jamais de nuages dans l’atmosphère martienne.

Quant à l’aspect régulier des canaux, il suffit d’admettre une formation lente de Mars favorisant une grande homogénéité. Des cassures ont pu se former sur cette planète comme il s’en est formé sur la Lune, et ces cassures ont dû se montrer d’autant plus régulières dans leur distribution que les couches superficielles étaient plus homogènes.