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LA PLANÈTE MARS.

observations récentes, faites peu après l’équinoxe d’automne de l’hémisphère austral, accusent une teinte verdâtre dans les régions comprises entre 10° et 20° de latitude australe. Mais cette teinte n’est pas aussi marquée que le beau vert de la zone tempérée australe pendant les observations de 1890.

En ce qui concerne le prolongement des canaux dans les « mers », M. Brenner semble être sous l’impression que ce phénomène n’a été vu que par M. Douglass. Cette erreur est due, sans doute, en partie à M. Lowell, qui a supposé que ces canaux ont été découverts à Flagstaff. Mais, en réalité, ils ont été découverts par moi deux ans auparavant, à Aréquipa, où ils ont été vus aussi par M. Douglass. Au mois d’août 1892, j’avais écrit que « quelques canaux très bien développés traversent les océans ». Si ces aspects sont réellement dus à des canaux aquatiques et à des océans d’eau, il semblerait exister quelque contradiction ici. Ces canaux étaient étroits et nettement définis, et facilement visibles pour les deux observateurs.

Si maintenant les prétendues mers sont de faibles dépressions, peut-être les lits d’anciens océans, il n’y a pas de raison pour que la séparation entre les régions fertiles et arides sur Mars ne soit pas définie avec une netteté absolue. Dans le cas des déserts de l’Amérique méridionale, la délimitation entre les vallées fertiles et les collines arides n’a souvent pas 50 mètres. Il ne me paraît pas que l’objection de M. Brenner que les prétendues « mers » sont sombres en hiver et que, par conséquent, elles ne sauraient être dues à de la végétation, ait un grand poids. Nos forêts de pins sont aussi sombres en hiver qu’en été, et l’on peut en dire autant de la plupart des régions fertiles comprises dans des latitudes intertropicales. Comme nous ne savons absolument rien de la végétation sur Mars, je ne serais guère surpris si quelque astronome nous montrait un jour qu’en certaines régions elle est permanente, en d’autres, changeante avec les Saisons, tandis qu’en d’autres on recueille deux ou trois moissons dans la même année. Ce serait très intéressant, mais ne rendrait pas à mon esprit l’hypothèse moins probable : au contraire, ce serait plutôt ce que j’attendrais.

Laissant ici les objections de M. Brenner, je voudrais maintenant attirer l’attention sur un ou deux points. Il est presque certain, et c’est, je crois, une opinion généralement acceptée, que l’atmosphère de Mars est très raréfiée. Du moment que la neige fond, même aux pôles, il doit faire assez chaud à l’équateur. Dans ces conditions, on devrait s’attendre à une vaporisation extrêmement rapide le jour, et à une condensation également rapide la nuit. En réalité, c’est à ce fait qu’est probablement due la circulation de l’eau sur la planète, ainsi que le constate la présence de neiges aux deux pôles. Maintenant, s’il y a une grande surface liquide sur Mars, ainsi qu’on le croyait en général jusqu’ici, pourquoi l’atmosphère du côté du jour de la planète ne se saturerait-elle pas plus souvent, formant des nuages ? Cependant, à part au terminateur et au limbe, les nuages sont extrêmement rares.

De plus, s’il y a sur Mars une aussi grande quantité d’eau, comment se fait-il que la planète ne soit pas munie d’épaisses calottes polaires, comme les