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LA PLANÈTE MARS.

mais tantôt les uns, tantôt les autres. (Il faut chercher la cause de cette particularité dans une propriété spéciale, qui nous est encore inconnue, de l’atmosphère de Mars.) Ma carte (p. 331) indique une douzaine de paires de canaux jumeaux courant parallèlement, et pourtant je n’ai cru voir qu’une fois deux de ces canaux simultanément. Les autres n’en existent pas moins comme je les ai indiqués, ainsi que l’établissent non seulement mes propres observations, mais aussi en partie celles de M. Schiaparelli et de M. Lowell.

Le Gange, par exemple, est un canal double que j’ai vu tel moi-même en 1894, alors que cette fois je ne l’ai jamais vu qu’aussi large qu’il est indiqué sur ma carte (les deux bras réunis me donnant l’impression d’un canal unique), et cependant je l’ai vu dès le 20 mai, plusieurs mois par conséquent avant que, d’après les idées admises jusqu’ici, dût commencer la duplication ! Il n’y a donc aucun doute à cet égard ; les canaux dits « doubles » existent constamment ; ce sont des canaux voisins parallèles dont nous ne voyons pas toujours simultanément les deux bras. L’idée que la duplication doit être attribuée à une mise au point défectueuse n’est pas soutenable, car ce serait admettre l’inadmissible qu’un observateur tel que Schiaparelli ne saurait pas mettre son oculaire au point.

Mon hypothèse des digues explique aussi d’autres particularités : à diverses reprises, on a remarqué que certaines régions (par exemple Lybia, Hesperia, Electris) apparaissaient parfois entièrement ou partiellement obscures ; il est probable que cette teinte est due à la rupture des digues et à l’inondation de certaines parties de territoire, comme cela arrive souvent en Hollande. Les îles et presqu’îles de la mer australe et d’Erythræum montrent rarement des lignes de côtes aussi nettes que les terres fermes ; cela peut s’expliquer par la circonstance que ces territoires ne sont pas protégés par des digues et sont par suite exposés à des inondations qui couvrent des étendues de territoires tantôt plus grandes, tantôt plus petites.

Le fait que beaucoup de canaux ressemblent à de larges bras de mer peut être également expliqué par des ruptures de digues ayant pour conséquence la submersion des territoires environnants. Comme le Zuiderzée, les lacs intérieurs peuvent être attribués à de grandes catastrophes aux digues, qu’il n’a pas été possible de réparer, de sorte que les riverains ont dû se contenter de construire des digues autour de la partie envahie pour éviter de nouvelles inondations. Cette inondation est confirmée par les faits : le Trivium et le Propontis ont habituellement une configuration quadrangulaire ; or, cette année, le Trivium m’est apparu circulaire, avec une telle étendue que l’on peut admettre qu’il s’est produit une grande rupture de digue amenant une vaste submersion.

Les petits lacs aux points de croisement des canaux doivent être considérés comme des élargissements voulus (grands réservoirs). La duplication présumable de certains lacs peut s’expliquer par la circonstance que, en temps de basses eaux, les parties les plus hautes du fond du lac (des barrages artificiels peut-être) font saillie hors de l’eau, prennent l’aspect de ponts et donnent l’apparence d’une duplication du lac.