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LE DÉDOUBLEMENT DES CANAUX.

noires émergeant de la surface de mers claires. Pour cet astronome, les taches sombres de la planète seraient des continents et les régions jaunes seraient des mers, hypothèse contraire à ce que nous observons en général de la nacelle d’un ballon ou du haut des montagnes. Les dédoublements de canaux seraient dus à des crêtes parallèles émergeant des mers.

D’autre part encore, M. Cecil Dolmage, astronome anglais, a repris l’hypothèse que j’ai émise autrefois du dédoublement des canaux par l’effet d’une double réfraction atmosphérique. Voici sa théorie[1] :

Par suite de la disparition de la calotte polaire pendant l’été martien, un élément de nature gazeuse ou vaporeuse, ou une collection de cristaux minuscules, se dégagent dans l’atmosphère et se répandent sur la surface de la planète. Cet élément peut posséder par lui-même le pouvoir de causer une réfraction double ; ou bien la différence entre le pouvoir réfracteur d’une couche d’un tel élément — en le supposant dense et très bas — et celui de l’atmosphère plus légère au-dessus peut causer le phénomène.

Un élément, tel que je l’ai supposé, émané de la calotte polaire, pourrait se répandre graduellement, et sans doute avec une grande irrégularité, jusqu’aux régions équatoriales de la planète. Les particularités des dédoublements paraissent venir à l’appui de cette théorie, de même que le fait que les dédoublements commencent à être signalés peu de temps après la fusion de la calotte et à croître en nombre (irrégulièrement) en proportion de sa diminution.

Je ne prétends pas, en supposant le dégagement de cet élément hypothétique, nier en aucune sorte la théorie du liquide émis par la calotte polaire (pendant sa décroissance graduelle), lequel, se répandant à travers les canaux, leur cause au premier abord un commencement de visibilité. La transmission subséquente de mon élément hypothétique à travers les régions équatoriales peut expliquer le fait que les géminations se produisent à une date un peu ultérieure.

La double réfraction ne pourrait-elle être causée par des vapeurs inférieures dégagées des canaux par le Soleil ? Ceci sous-entend que ces derniers sont remplis d’un liquide de quelque valeur.

Comme les dédoublements n’apparaissent pas tant que les calottes polaires demeurent intactes, quelque chose, par suite de leur disparition, s’ajoute à l’atmosphère martienne et donne à cette dernière un double pouvoir de réfraction. Puis, avec le retour de l’hiver martien et la réapparition de la calotte, le milieu qui produit cette double réfraction ne reste pas longtemps dans l’atmosphère de la planète.

Des recherches devraient donc être faites sur les pouvoirs réfracteurs des milieux gazeux et similaires — par exemple du bioxyde de carbone — à des températures et à des pressions différentes ; et de même sur les effets des images de

  1. Société astronomique de France, 1898, p. 396.