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LA PLANÈTE MARS.

La distance des deux images, ainsi que leur position relative à l’objet, dépendra non seulement de l’indice de réfraction de la vapeur, mais aussi de celui de l’air environnant, du rayon de courbure de la surface de séparation, de sa hauteur au-dessus de la surface de Mars et du déplacement latéral du sommet de la surface de séparation par rapport à l’objet, de manière que les différentes positions des lignes doublées se trouvent dans la prolongation du canal lui-même non doublé. Si le déplacement dépasse certaines limites, un seul rayon peut prendre la direction de la Terre et le dédoublement disparaît. Si, par suite de grands mouvements dans l’atmosphère de Mars, la masse de vapeur est éloignée davantage de la ligne médiane du canal, il peut arriver que l’ensemble des rayons partant du point O, à peu près dans la direction de la Terre, rencontre la surface de séparation sous un angle si aigu qu’ils subissent la réflexion totale. Dans ce cas, la ligne disparaît complètement : c’est justement ce qu’a observé M. Schiaparelli.

Si la ligne du sommet de la surface de séparation se trouve exactement au-dessus de l’axe du canal dans la direction de la Terre, nous devrons alors, puisqu’un certain rayon traverse la surface réfringente sans être dévié, avoir trois images, qui se fondront probablement en une seule image, large et floue. Il est probable, du reste, que ces conditions géométriques exactes ne se trouvent presque jamais remplies dans la réalité.

Mais puisque, d’autre part, il ne saurait y avoir une séparation nette entre l’amas de vapeur et l’atmosphère environnante, et qu’au contraire la vapeur d’eau doit se diffuser d’une manière continue, et que la densité doit aussi décroître depuis la surface de séparation, la déviation doit aussi se faire d’une manière continue. Nous aurons donc, à la place des droites AB et CD, des courbes qui les toucheront en A et C. Mais cela ne change en rien l’essence du phénomène.

De plus, plusieurs observations de M. Schiaparelli rendent encore très probable l’hypothèse que le dédoublement des canaux de Mars n’est qu’un phénomène optique. Ce savant écrit que la couleur des deux traits est la même comme teinte et comme intensité, mais qu’elle peut cependant changer d’un dédoublement à l’autre. De plus, lorsqu’un canal double est divisé en deux segments par un autre, et qu’un des traits est plus large et plus brillant d’un côté du point d’intersection que de l’autre, l’autre trait est dans le même cas. Plus encore, l’apparence d’un dédoublement peut changer avec le temps et s’effectuer en un temps relativement court, avec des changements rapides. Les deux canaux semblent souvent se dégager simultanément d’une masse nébuleuse. Il a même paru que cet état nébuleux est un phénomène fondamental initial dans le dédoublement.

Il est facile de voir que, si l’on admet les hypothèses précédentes, le seul effet que la rotation de Mars autour de son axe produira, sur l’apparence des lignes dédoublées, sera de raccourcir en perspective la distance des deux traits, ainsi que M. Schiaparelli me l’a communiqué par lettre. Quant à la section de la masse de vapeur dont le rayon de courbure au sommet est plus petit que la dis-