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LE DÉDOUBLEMENT DES CANAUX.

Les recherches spectroscopiques de Vogel ayant établi que Mars possède une atmosphère très riche en vapeur d’eau, ce n’est pas s’avancer trop que de prendre, au point de vue physique, les expressions mers, canaux que M. Schiaparelli n’ose prendre qu’au point de vue purement topographique, et d’admettre ainsi que ces mers sont vraiment des accumulations d’eau et que les canaux sont de véritables rainures remplies d’eau. La surface de ces puissants cours d’eau doit être le siège d’une évaporation excessivement considérable, bien plus que si elle avait lieu sur la Terre dans les mêmes circonstances. L’intensité des rayons solaires tombant normalement sur la surface de Mars est dans le rapport de 0,4308 à 1 avec l’intensité reçue par la Terre, et, d’autre part, la masse de Mars n’est guère que le neuvième de la masse de la Terre. Cette masse moindre exerce une attraction proportionnellement plus faible, et par conséquent la densité correspondante de l’atmosphère est moindre aussi que notre pression atmosphérique. Mais on sait que, plus la pression atmosphérique est faible, plus le point d’ébullition de l’eau s’abaisse et plus intense est l’évaporation à une température donnée. Il en résulte que, même à la température basse qui règne probablement sur Mars, il doit y avoir une évaporation très intense au-dessus des eaux.

La masse transparente de vapeur qui s’élève au-dessus de la surface d’un canal se répand lentement dans l’atmosphère et, puisqu’une nouvelle quantité de vapeur se forme, s’étend vers le haut et par les côtés. Cette masse prend donc, avec plus ou moins de régularité, la forme d’un demi-cylindre dont l’axe coïncide à

Fig. 265. — Essai d’explication du dédoublement des canaux de Mars.
peu près avec la ligne médiane du cours d’eau. Si maintenant nous admettons que, par une cause quelconque ayant son siège dans l’atmosphère, il s’opère une surélévation de ce demi-cylindre, ou, en des termes plus exacts, si le rayon de courbure de la section droite du cylindre est plus petit au sommet que la hauteur du sommet au-dessus de la surface de l’eau, nous réalisons les conditions qui donnent lieu à une image double. Ainsi que le montre la figure ci-dessus, les rayons émanant de l’objet O — la section droite du canal — peuvent parvenir dans la lunette de l’observateur terrestre par les chemins différents OAB et OCD.