Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
418
LA PLANÈTE MARS.

Lorsque la différence focale n’est pas très grande, les deux lignes sont d’une remarquable netteté, et c’est là précisément le côté dangereusement fallacieux du phénomène.

Ainsi, si Mars est couvert de « canaux », la vision imparfaite devra dédoubler ces lignes. Pareille vision indistincte peut provenir, ainsi que nous venons de le voir : 1o d’une minime erreur de mise au point ; 2o d’oscillations diplopiques (fatigue) de l’œil. Voilà ce qui doit fatalement arriver, et ce qui arrive en réalité.

Remontant maintenant de l’effet à la cause productrice, nous trouvons qu’il existe sûrement des traînées linéaires grises ou canaux sur Mars, car, sans lignes préexistantes, on ne peut pas obtenir de géminations. Mars, couvert de canaux qui se doublaient en quelques heures, était un sphinx inintelligible pour nous. Sans géminations, la planète rentre dans la sphère de notre conception. Mars sillonné de cassures géologiques ne serait pas un monde extraordinaire.

Dans cette explication, les canaux existent à la surface de Mars comme des lignes bien visibles, et leurs dédoublements sont des illusions d’optique produites par une mise au point défectueuse de l’oculaire, comme l’avait imaginé Ad. de Boë.

M. l’abbé Moreux, de Bourges, adoptant la même explication, y a ajouté les erreurs provenant de la construction du cristallin de notre œil et des diverses couches atmosphériques de densités diverses[1].

Aux deux hypothèses que nous venons de passer en revue, la première météorologique, la seconde optique, s’en adjoignent plusieurs autres s’y rattachant plus ou moins. M. Ferdinand Meisel, astronome à Halle, nous avait adressé en 1889 la Note suivante qui réunit les deux[2] :

Si l’on veut considérer l’apparition ou la disparition d’une ligne nouvelle à côté d’une ligne existant déjà et parallèlement à celle-ci (phénomène souvent observé par M. Schiaparelli), comme la formation ou la destruction d’un objet réel à la surface de la planète, il est, sans aucun doute, fort difficile de trouver une explication, attendu que toute analogie avec les phénomènes terrestres nous fait défaut. On est alors amené à se demander s’il ne serait pas possible de se rendre compte du dédoublement des lignes de Mars par des considérations purement optiques, c’est-à-dire de ramener le problème à la formation d’une image double. Je crois pouvoir répondre ici à cette question par l’affirmative, et je soumets aux savants cette tentative d’explication, en les priant toutefois d’avance de ne la considérer que comme un simple essai. Je suis loin de penser que j’aie fourni une théorie complète des phénomènes en question pour lesquels, du reste, les données manquent tout à fait.

  1. Voy. Bulletin de la Société astronomique de France, juillet 1898.
  2. Voy. l’Astronomie, 1889, p. 461.