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LE DÉDOUBLEMENT DES CANAUX.

En effet, ces lignes énigmatiques sont reconnaissables sur les dessins des premiers observateurs, et déjà, en 1666, Hooke, rival de Newton, en a dessiné les deux plus marquées (la Nilosyrtis et la Boreosyrtis de M. Schiaparelli). Un examen attentif des dessins publiés dans le grand ouvrage, devenu classique, La Planète Mars, nous a convaincu que 45 des canaux actuellement connus ont été dessinés avant 1877. Ainsi, W. Herschel en a observé 5, Schrœter 7, Mædler 4, Galle 11, Warren de La Rue 6, Secchi, 12, Lockyer 7, Kaiser 10, Dawes 19, Green 14 et Flammarion 7.

En comparant la position des canaux dessinés par ces observateurs avec les cartes de M. Schiaparelli, nous trouvons, en tenant compte de l’équation personnelle, une concordance remarquable. L’écorce de la planète serait donc assez stable dans ses grandes lignes. L’examen des contours des « Mers » nous conduit d’ailleurs à la même conclusion. Cependant cette stabilité est probablement loin d’être absolue, et certains changements de rivages, changements incontestables, tels que le glissement actuel du lac Mœris vers la Grande Syrte, ou la disparition lente et progressive de l’Aurea Cherso dans le golfe de l’Aurore, pourraient bien être dus à l’abaissement des côtes en ces régions. Cette hypothèse, assez risquée au premier abord, ne paraît pas invraisemblable quand on songe que la densité de Mars est faible, et que, par suite, la surface de la planète pourrait bien se trouver dans une position d’instabilité intermédiaire entre la stabilité relative de nos terrains et l’instabilité absolue de la surface d’une planète (telle que Jupiter ou Saturne) dont la densité moyenne approche de celle de l’eau.

Quoi qu’il en soit, les changements dont nous venons de parler s’accomplissent lentement, ce qui nous montre que l’écorce de Mars se trouve dans un état de solidification assez avancée.

En 1877, M. Schiaparelli revit presque tous les canaux observés avant lui, tout en en découvrant plusieurs nouveaux. Il a, depuis, continué ses persévérantes recherches avec les admirables résultats que tout le monde connaît. La planète s’est montrée recouverte d’un réseau de lignes, dirigées pour la plupart en arcs de grands cercles s’entrecroisant dans tous les sens.

« Ce n’est pas tout, dit M. Schiaparelli, en certaines saisons ces canaux se dédoublent, ou pour mieux dire se doublent. »

Pendant l’apparition de 1857, on n’a pas observé de dédoublements ou géminations des canaux. Le 26 décembre 1879, M. Schiaparelli constata, non sans quelque surprise, que le canal du Nil était composé de deux lignes parallèles, réunissant le Lacus Lunæ au Ceraunius. L’observateur passa de surprise en surprise en 1881-1882 : en quelques semaines la moitié des canaux étaient doubles, et la planète était remplie de géminations, de sorte que, du 19 décembre 1881 au 22 février 1882, il n’en constata pas moins d’une trentaine. En 1883-1884, il constata encore 18 canaux doubles. En 1886, M. Schiaparelli en a vu un seul. En 1888, on en remarqua plusieurs. Enfin, les apparitions de 1890, 1892, 1894 et 1896-1897 ont encore montré un certain nombre de ces dédoublements énigmatiques.

La gémination n’attaque pas seulement les canaux, mais bien aussi leurs points