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LA PLANÈTE MARS.

Anvers, m’adressait la lettre suivante, que je publiai dans l’Astronomie du 1er juillet :

« Mon cher ami,

» Le dédoublement des canaux de Mars ne résulterait-il pas d’images secondaires qui, dans certaines conditions, se forment dans notre œil ?

» Voici une expérience d’une inexprimable simplicité. Regardez d’un œil une ligne droite tracée à l’encre sur une feuille de carton ou de papier blanc (au dos d’une carte de visite), en tenant cette feuille en deçà ou au delà de la vision distincte, verticalement, horizontalement, etc. ; puis épinglez cette carte contre le mur, faites de même en la regardant d’un œil, à travers une jumelle, ou à l’aide d’une lunette ; mettez hors du point, approchez, éloignez-vous ; faites toutes les épreuves, vous trouverez toujours des conditions où cette ligne sera vue double.

» Si je prends un instrument muni de fils, en les mettant hors du foyer de l’oculaire, je trouve de nouveau des conditions où ces fils présentent une image secondaire.

» Il résulte de cette observation qu’une ligne simple peut se voir double.

» On me dira peut-être : « Mais vous forcez les choses ; vous voulez quand même voir double. » Je réponds : « Les géminations sont-elles autre chose ? Vous souvenez-vous de notre visite à l’Observatoire de Louvain ? M. Terby ne nous a-t-il pas assuré que ce n’était qu’après une heure (je crois) d’essais, qu’il était parvenu à voir une gémination ? Ne peut-on en conclure que la fatigue de l’œil, qui altère momentanément la distance de la vision distincte, joue aussi un grand rôle dans toute cette fantasmagorie ? »

» Je livre cette idée pour ce qu’elle vaut à la tribune indépendante et toujours progressiste de l’Astronomie. » Ad. de Boë. »

Cette explication était à peine publiée que je recevais la lettre suivante :

« Au sujet de la Note de M. de Boë, insérée au dernier numéro de la Revue, permettez-moi de faire connaître à ses lecteurs que le phénomène du dédoublement qui s’opère dans l’œil lorsqu’on regarde attentivement un point ou une ligne a été décrit par moi, le premier, dans des Notes communiquées à l’Académie des Sciences[1] et dans mon Introduction à la Mineralogía Micrográfica.

» Quant à chercher dans ce phénomène la raison du dédoublement des canaux de Mars, j’ai émis également cette idée dans une première étude sur la Cause de l’équation personnelle, publiée en 1885[2] ; mais, pour arriver à des conclusions certaines sur un tel problème, il faudrait connaître bien des détails concernant

  1. Voir Comptes rendus des 4 février et 8 juillet 1889.
  2. Voir Crónica científica de Barcelone.