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LES ATMOSPHÈRES DES PLANÈTES.

planète. L’eau, à l’état de vapeur, est plus légère que les autres constituants de notre atmosphère et tend à s’élever ; sa condensation en nuages, soit sous forme de gouttelettes d’eau, soit sous forme d’aiguilles de glace, se produit à des altitudes plus ou moins grandes. C’est ce que ne pourrait faire l’acide carbonique. Au contraire, sa densité le conduirait à se répandre au fond d’une atmosphère d’azote. Il formerait sur le sol de la neige ou de la glace, car il ne produirait probablement pas de pluie et dans son évaporation subséquente glisserait le long du sol, descendant à travers les vallées, occupant les plaines, au-dessous de l’azote, avec lequel il se mélangerait peu. Les brumes, les neiges, les gelées blanches et les évaporations consécutives rendraient bien compte des divers aspects présentés au télescope par cette planète, encore si imparfaitement vue d’ailleurs. À ses plus grands rapprochements, assez rares, elle reste encore 140 fois plus loin de nous que la Lune. Des brouillards le long des plaines basses, correspondant aux lits de nos océans, et des chaînes de montagnes ressortant au-dessus de ces couches, une bordure de brumes le long des flancs de ces chaînes, correspondraient assez bien à ce qu’on entrevoit. De grands déplacements de vapeurs, résultant de la distillation vers chaque pôle alternativement, s’accorderaient aussi avec le reste des observations.

Cet exposé, que j’ai traduit aussi fidèlement que possible, est tout à fait digne de notre attention, car cette hypothèse expliquerait, en effet, un certain nombre des aspects martiens. Mais n’oublions pas qu’il y a à la base de ce raisonnement une pétition de principe. L’auteur pose ces prémisses : « Puisque l’hydrogène s’échappe de la Terre, ses molécules doivent en nombre suffisant atteindre la vitesse de 10 500 mètres, qui est 6,55 fois plus grande que la vitesse du carré moyen (1603) de ce gaz à la température de 66° au-dessous de zéro ; et puisque l’hélium s’échappe aussi, ses molécules doivent atteindre cette même vitesse qui est 9,27 fois supérieure à celle du carré moyen dans l’hélium ».

Nous ne contestons pas la valeur de la formule. C’est encore là une autre question. Mais même en l’admettant, la théorie cinétique des gaz a-t-elle cessé d’être une hypothèse ! Qui est-ce qui prouve que l’hydrogène et l’hélium sont animés de ces vitesses ? Qui est-ce qui prouve que ce sont ces vitesses qui sont causes de leur absence dans l’atmosphère terrestre ? Et dans l’application de cette théorie à la planète Mars, qui est-ce qui prouve que sur cette planète les molécules de la vapeur d’eau atteignent la vitesse de 4 803 mètres ?

Mais continuons.