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LES ATMOSPHÈRES DES PLANÈTES.

Or, si nous considérons des vitesses très grandes ou des parcours libres très étendus, nous arrivons à des chiffres de probabilité si faibles qu’ils correspondraient, par exemple, à une molécule dans plusieurs kilomètres cubes de gaz à la pression atmosphérique. Une telle probabilité est sans aucune signification physique. Une molécule qui, par accident, possède une vitesse extrême, ne peut pas être considérée comme agissant réellement sur l’équilibre d’une masse gazeuse éloignée, et dont toutes les particules resteront toujours soustraites à son influence directe ou indirecte.

S’il est vrai que cette vitesse est encore contenue dans la formule, bien qu’avec une probabilité infime, on peut légitimement se demander si elle se trouvait déjà dans les idées sur lesquelles la formule a été établie. La réponse correcte à cette question semble être négative. En effet, la formule a été établie pour représenter le mieux possible la répartition des vitesses ou des libres parcours au voisinage des valeurs les plus probables de ces éléments, et elles s’appliquent avec une parfaite rigueur aux états qui ne s’en éloignent pas beaucoup. Mais les cas extrêmes peuvent fort bien n’exister que dans la formule elle-même qui, par sa forme, n’admet que deux impossibilités, zéro et l’infini.

Un exemple familier aux astronomes fera mieux connaître le sens de cette restriction : Supposons qu’un bon observateur pointe, au micromètre, un objet situé dans le champ d’une lunette ou d’un microscope. Ses pointés successifs s’écarteront les uns des autres, tout en se groupant autour d’un pointé moyen qui sera considéré comme donnant la valeur la plus probable de la position du point observé. Considérant l’ensemble des observations, on pourra déterminer les constantes de la formule de Laplace appliquée à ce cas particulier, et l’on en déduira la valeur numérique de la probabilité que présente une observation donnée. Or la formule de Laplace, dont la forme est très semblable à celle de Maxwell, conduit à admettre la possibilité, très improbable il est vrai, d’observations quelconques faites, par exemple, en dehors de l’intervalle des fils du micromètre, où même en dehors du champ de la lunette ou du microscope.

Malgré la formule, l’observateur est bien persuadé que ces pointés ne sont pas seulement très peu probables, mais rigoureusement impossibles : qu’après des millions ou des milliards de mesures, il n’aura jamais dépassé certaines limites, pour lesquelles la formule donne une probabilité faible, mais non pas nulle.

Dans le cas des molécules gazeuses, nous serons naturellement conduits à admettre que, si des vitesses extrêmes sont parfois atteintes, elles le sont indépendamment des conditions indiquées par la formule, et nous nous