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COSMOGONIE DE LA PLANÈTE MARS.

juste, ou à peu près (de 19,2 à 9,5). Pourquoi un pareil état d’équilibre, persistant pendant un temps immense, et ces brusques renversements du rapport de la gravité à la force centrifuge ? La nébuleuse en contraction aurait dû abandonner une série d’anneaux successifs extrêmement nombreux.

D’éminents géomètres, notamment Roche, de Montpellier, ont savamment discuté la question sans la résoudre. Pour moi, il me semble que le plus simple est de considérer les planètes comme le résultat de condensations formées dans l’intérieur de la nébuleuse primitive. C’était l’hypothèse de Kant[1].

Les nébuleuses de l’univers sidéral nous offrent, d’ailleurs, des exemples confirmatifs de cette conception. On n’en voit pas montrant un ou plusieurs anneaux détachés ; on en connaît plusieurs, au contraire, dans l’intérieur desquelles des condensations évidentes se manifestent. La forme en spirale du grand nombre indique le mouvement séculaire.

Dans l’hypothèse de Laplace, la planète Mars est nécessairement antérieure à la Terre et de beaucoup plus ancienne. Étant donnée l’infériorité de sa masse et de son volume, elle aurait, d’autre part, parcouru plus vite les phases de son évolution et se serait refroidie rapidement. Absolument et relativement, elle serait donc incomparablement plus âgée que la Terre.

Dans la seconde hypothèse, les plus fortes condensations et les plus éloignées du noyau central seraient les plus anciennes (Jupiter, Neptune, Uranus, Saturne), et Mars pourrait être plus jeune que la Terre. Toutefois, en raison de sa faible masse et de son petit volume, il pourrait être relativement plus âgé. La Lune est une fille plus vieille que sa mère.

Cette hypothèse des condensations intérieures me paraît depuis bien des années déjà devoir l’emporter sur celle des anneaux détachés par l’excès de la force centrifuge. Parmi les objections présentées à la théorie de Laplace, nous pouvons remarquer ici celle que M. Maurice Fouché, astronome adjoint à l’Observatoire de Paris, a signalée à l’Académie des Sciences il y a plus de vingt ans. Voici cette note substantielle[2].

J’ai cru intéressant de faire ressortir une conséquence de la théorie de Laplace qui m’est venue à l’idée à la suite d’une conversation avec M. Flammarion.

En 1864, David Trowbridge avait déjà appelé l’attention sur la condensation centrale très forte que devait posséder vers son centre la nébuleuse primitive, mais les résultats que nous allons développer paraissent lui avoir échappé.

  1. Voyez Wolf, Les hypothèses cosmogoniques, p. 153.
  2. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 24 novembre 1884.