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COSMOGONIE DE LA PLANÈTE MARS.

chaude venant de l’intérieur, et ainsi de suite. Mais, pendant les longues nuits polaires, les produits de la condensation se déposent sur le sol en cristaux de glace. Ils ne peuvent toutefois s’accumuler en masses épaisses ; car les couches successives forment, les unes pour les autres, un manteau protecteur, et l’équilibre s’établit entre le refroidissement de la partie supérieure et l’échauffement de la couche qui repose directement sur le sol de la planète. Grâce à cet échauffement, aussitôt que le Soleil reparaît à l’horizon de l’un ou de l’autre pôle, les neiges prises, pour ainsi dire, entre deux feux, fondent avec la plus grande facilité. Ainsi nous voyons dans nos climats, même pendant les plus rudes hivers, les neiges accumulées sur les toits des maisons habitées, fondre sur le versant exposé au midi.

En résumé, on peut dire que la théorie de la jeunesse relative de Mars rend compte, d’une façon très satisfaisante, de tous les phénomènes observés sur la planète. Nous croyons surtout devoir protester contre la théorie qui, s’appuyant sur l’absence probable de montagnes à la surface, voudrait en conclure que cette planète est plus ancienne que la Terre, parce que son sol est déjà nivelé par les eaux. Pour soutenir cette thèse, il faudrait d’abord prouver que la nature du sol se prête au ruissellement des eaux. Or le contraire nous semble plus près de la vérité. Là-bas, les eaux doivent s’infiltrer à l’intérieur sans ruisseler, et elles n’ont pas l’action érosive que nous leur prêtons par comparaison avec ce qui se passe sur la Terre.

Dans cette hypothèse, Mars serait plus jeune que la Terre ; sa surface serait poreuse ; sa chaleur intérieure serait encore assez intense pour agir à la surface en pénétrant ce sol poreux ; les canaux seraient des crevasses ; les « mers » seraient des forêts entretenues par la chaleur et les vapeurs souterraines ; les neiges polaires proviendraient de la vapeur d’eau montée de l’intérieur et fondraient en été, simples gelées blanches, sous la double influence de la chaleur intérieure et des rayons solaires. Cette hypothèse est remarquablement ingénieuse. Il importe ici de tout étudier, de tout comparer. Nous avançons ainsi graduellement dans l’élucidation de notre problème martien.

La théorie cosmogonique de Laplace n’est assurément pas démontrée. Ce que nous devons reconnaître avec certitude, c’est l’unité d’origine des planètes du système solaire ; elles font partie d’un même ensemble régi par le Soleil. Mais quant au mode de formation, on peut le discuter.

Tout d’abord, au lieu d’admettre avec Faye que le chaos primordial était formé « de tous les éléments de la Chimie terrestre plus ou moins mêlés et confondus » (Origine du Monde, p. 357), on peut penser, au contraire, qu’à l’origine la substance était une, et que les corps que nous qualifions de simples sont des condensations, sous divers modes, de cette substance pri-