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LA PLANÈTE MARS.

paraissent avoir pénétré peu à peu à l’intérieur, absolument comme les pluies qui, tombant sur un terrain très perméable, s’infiltrent dans le sous-sol sans raviner la surface.

Or la densité moyenne de Mars, 3,91, se rapproche beaucoup de celle de la Lune, 3,38. Il est donc excessivement vraisemblable d’admettre, comme nous l’avons fait, que les matériaux n’y forment pas des roches très compactes, et que ces roches sont, au contraire, facilement traversées par les eaux. La surface de Mars, dépourvue en apparence de reliefs hauts et escarpés, répond tout à fait à l’idée que nous nous faisons d’un sol poreux et friable.

Un phénomène qui peut, à juste titre, être qualifié d’inexplicable, c’est l’existence de « neiges polaires » à la surface de Mars, en l’absence presque complète de nuages dans son atmosphère. La neige résulte, en effet, de la condensation cristalline de l’eau passée d’abord à l’état de vapeur. Ce passage ne peut avoir lieu sans l’intermédiaire de la chaleur. Or, d’une part, il n’existe pas à la surface de Mars de grandes nappes d’eau susceptibles d’être transformées en vapeurs, et, d’autre part, la faible chaleur reçue du Soleil par la planète serait incapable d’opérer cette transformation. On ne voit d’ailleurs sur Mars aucun indice de cette circulation aéro-tellurique de l’eau qui fait que sur la Terre l’eau des mers s’élève sous forme de vapeurs et de nuages dans les hauteurs de l’atmosphère et se porte vers des régions froides, où elle est convertie en pluie ou en neige, pour revenir à l’océan par les fleuves. Aussi les astronomes qui prétendent que les canaux sont alimentés par l’eau provenant de la fonte des neiges polaires restent-ils fort embarrassés lorsqu’il s’agit d’expliquer comment cette eau retourne aux pôles.

Proctor est, je crois, le premier[1] qui ait substitué à l’hypothèse des neiges martiennes celle de la gelée blanche ; et encore fait-il une exception pour les régions polaires. Du reste, sa théorie basée sur la supposition, démontrée maintenant fausse, que toute la chaleur de surface de Mars vient du Soleil, n’est plus admissible. Le rayonnement solaire occasionnerait nécessairement sur Mars, comme sur la Terre, une circulation aéro-tellurique de l’eau, et, dès l’instant qu’il est bien prouvé que cette circulation n’existe pas, il faut en arriver à cette conclusion obligée que les « neiges » se forment sur place. Ce ne sont pas, à proprement parler, des « neiges », mais des dépôts plus ou moins abondants de givre ou de gelée blanche produits par l’humidité qui s’échappe du sol. Sur Mars, la circulation aqueuse est exclusivement tellurique. En vertu de son poids, l’eau pénètre, comme elle a dû le faire à l’intérieur de la Lune, dans les profondeurs du sous-sol poreux ; elle se réchauffe au contact du noyau central, remonte à la surface, où elle se transforme en vapeur. Puis, cette vapeur, incapable de se maintenir dans une atmosphère glacée, se condense immédiatement et retombe sur le sol. Si celui-ci est réchauffé par les rayons du Soleil, l’eau ne se congèle pas ; elle retourne dans le sous-sol pour être remplacée à la surface par de l’eau plus

  1. Ou plutôt Matthieu Williams (voir p. 161).