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DU LIGONDÈS. — L’ÂGE DE MARS.

Cette hypothèse est originale et savante ; mais elle nous paraît la moins probable de toutes pour l’explication du problème de ces fameux canaux. Elle méritait toutefois d’avoir sa place ici.

ccxxxiii.R. du Ligondès. — L’âge de Mars[1].

M. le Vicomte du Ligondès, colonel d’artillerie et mathématicien distingué, non satisfait des hypothèses cosmogoniques de Kant, de Laplace et de Faye, qui, en effet, laissent beaucoup à désirer, en a émis une nouvelle sensiblement différente. Dans cette nouvelle hypothèse, la planète Mars, au lieu de s’être formée avant la Terre, se serait formée en même temps qu’elle, ou peut-être même après. Nous résumerons le travail du savant colonel en extrayant de son Ouvrage les points les plus essentiels.

Hypothèse de Kant. — Kant est le premier auteur qui, à notre connaissance, ait cherché à expliquer mécaniquement la formation du système solaire suivant les lois de la gravitation universelle. Son point de départ est des plus simples ; le voici, d’après la traduction qu’en donne M. Faye dans son livre : Sur l’Origine du Monde, p. 134:

« Admettons qu’à l’origine la matière du Soleil et des planètes ait été répandue dans tout l’espace interplanétaire et qu’il se soit trouvé quelque part, là où le Soleil s’est formé, une légère prépondérance de densité et par suite d’attraction. Aussitôt une tendance générale s’est prononcée vers ce point ; les matériaux y ont afflué et, peu à peu, cette masse première a grandi. Bien que des matériaux de densité différente se trouvassent partout, cependant les plus lourds ont dû particulièrement se presser dans cette région centrale ; car, seuls, ils ont réussi à pénétrer à travers ce chaos de matériaux plus légers et à s’approcher du centre de la gravitation générale. Or, dans les mouvements qui devaient résulter de la chute inégale de ces corps, les résistances produites entre les particules se gênant les unes les autres n’ont pu être si facilement les mêmes, en tous sens, qu’il n’en soit résulté, çà ou là, des déviations latérales. En pareil cas s’applique une loi générale des réactions mutuelles des corps, à savoir que ces corps se détournent en tâtonnant, pour ainsi dire, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé le chemin de la moindre résistance. Ces déviations latérales aboutissent donc forcément à une circulation commune dans le même sens et dans la même région. Et même les particules dont le Soleil a été formé lui sont parvenues affectées déjà par ce genre de déviation, en sorte que le corps résultant, le Soleil, s’est trouvé animé d’une rotation dans le même sens. »

  1. Formation mécanique du Système du Monde, Paris, 1897.