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CERULLI. — OBSERVATOIRE DE TERAMO.

Ces aspects, ces variations correspondent bien à ceux que l’eau pourrait produire. Il est bien difficile de ne pas voir là des embouchures de fleuves ou canaux.

Que la topographie martienne soit précisément telle que la montre la nouvelle carte de M. Cerulli, nous ne l’admettrons pas plus que l’auteur ne l’admet certainement lui-même. La comparaison des observations prouve qu’il faut faire la part d’une équation personnelle considérable. Jamais, à aucun moment, on ne voit la planète telle qu’elle est. Mais ces énormes différences ne peuvent pas être entièrement attribuées aux observateurs : elles sont l’indice de variations réelles perpétuelles dont chaque observateur est témoin, d’ailleurs, pour peu qu’il suive attentivement la planète plusieurs années de suite.

Voici encore une observation curieuse. L’Atlantide fut entrevue comme une langue très blanche à droite de la mer des Sirènes, le 21 juin. Le 23 juillet, on ne la voyait plus et l’on ne réussissait pas à séparer la mer des Sirènes de la mer Tyrrhénienne. Le 11 décembre, l’Atlantide apparaissait de nouveau, d’un ton plombé, comme la Fétontide. En janvier, Fétontide est d’un blanc d’argent et Atlantide d’un gris de plomb qui va en s’éclaircissant. En février, Atlantide gagne encore plus de clarté et devient aussi brillante qu’en juin. Voilà des faits qu’il serait facile de multiplier d’après les seules observations de M. Cerulli.

Le 5 novembre 1896, à l’Observatoire de Juvisy, j’ai été frappé, pendant une observation de Mars, de la facilité avec laquelle le Trivium Charontis se présentait à la vue : il était beaucoup plus foncé et plus étendu que les mois précédents[1]. M. Cerulli fait remarquer de son côté que cette tache était à peine reconnaissable en juin et qu’il en fut de même jusqu’en septembre. En novembre, au contraire, elle se montrait sombre et irrégulière, et, à dater de cette époque, son augmentation de ton fut permanente.

L’auteur ajoute : « Cette région triangulaire du Trivium est sujette à varier de ton comme les trois principaux canaux qui y aboutissent, l’Orcus, le Cerbère et le Styx. »

Il a vu également les lignes foncées découvertes par M. Lowell à travers la mer du Sablier et ailleurs.

La carte de M. Cerulli est très riche en canaux. Il a revu la plus grande partie de ceux de M. Schiaparelli, plusieurs de M. Lowell, et d’autres nouveaux. Néanmoins, l’auteur ne croit pas à l’existence réelle de ces canaux. Voici ses objections principales :

Si les canaux étaient de véritables lignes tracées à la surface de Mars, telles que des cours d’eau, des crevasses, des vallées revêtues de végétation, ou des courants marins légèrement teintés, etc., on devrait d’autant mieux les voir que la planète se rapproche davantage de nous, et leur maximum de visibilité

  1. Voir plus haut, p. 279.