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LA PLANÈTE MARS.

planète arrive aussi plusieurs mois après cette époque et que Mars possède une atmosphère capable d’emmagasiner la chaleur (heat storing atmosphere).

Je suis convaincu que les astronomes ont toujours considéré Mars comme pourvu de quelque enveloppe gazeuse, qu’une atmosphère plus ou moins étendue est nécessairement heat storing, et que le maximum de température y arrive après le solstice d’été. Mais je ne pense pas que, réciproquement, la fusion continuelle des calottes polaires après le solstice suffise à le prouver.

Supposons qu’avant le solstice une aire donnée A de la calotte disparaisse, laissant une aire B couvrir les régions polaires. L’aire B reçoit après le solstice la même quantité de chaleur qu’avant ; si cette chaleur était sans effet sur B jusqu’à ce moment, le point serait bien établi. Mais ce n’est pas le cas : on a de nombreuses preuves qu’une fusion intense de l’étendue B se produit avant le solstice, et le fait qu’elle se prolonge après ne prouve pas que le maximum de température y ait alors lieu, puisque la même quantité de chaleur directe doit être encore reçue.

La fusion sur l’aire B avant le solstice est mise en évidence par la formation de régions sombres que l’on a observées à l’intérieur des calottes polaires. Un examen des dessins du pôle sud pris à l’opposition de 1894 montre que de grandes régions sombres existaient à l’intérieur de la tache polaire au voisinage immédiat du pôle, plusieurs mois avant le solstice, qui eut lieu le 1er septembre 1894, alors qu’il ne restait plus qu’une petite aire B. Même au mois de mai, c’est-à-dire trois mois avant le solstice, il y avait tout près du pôle une région sombre presque aussi étendue que la partie restante de l’aire B, le 1er septembre. Si des taches sombres, formées probablement par la fusion, apparaissent dans les régions polaires plusieurs mois avant le solstice d’été, nous devons nous attendre à voir cette fusion se continuer sur les mêmes endroits durant au moins un nombre égal de mois après le solstice, et le fait qu’il en est ainsi n’indique en aucune façon la position du maximum de température.

Et même, parce qu’une petite aire B subsiste le 1er septembre, devons-nous croire que la neige ou toute autre substance formant la calotte polaire y est encore sous son épaisseur primitive ? Il est probable que la moitié, les deux tiers où presque toute la neige couvrant B a disparu avant le 1er septembre, de façon qu’il n’en reste plus qu’une mince couche à fondre après le solstice.

Il est bon de remarquer encore une fois que, quelle que soit la nature de l’atmosphère de Mars, les astronomes l’ont toujours tenue pour capable d’emmagasiner la chaleur solaire, et ont toujours pensé que le maximum de température arrivait après le solstice d’été ; mais la fusion des neiges polaires après la culmination du soleil sur leur horizon ne prouve ni cette assertion ni l’assertion contraire.