On va croire que nous entrons dans le roman. Moins peut-être que certaines publications audacieuses et non inoffensives qui, sous le nom sacré de la Science, s’impriment dans les livres et se prêchent dans les assemblées et à l’Université même.
Les canaux ne sont pas aussi larges qu’ils le paraissent, autrement ils donneraient passage en peu d’heures à toute l’eau de l’inondation. Non seulement les eaux ne pourraient être appliquées pendant plusieurs mois à la culture, mais encore elles seraient revenues à la mer avant qu’on ait pu en tirer aucun service. Ce sont là des zones de végétation à gauche et à droite des canaux, lesquels ne sont pas assez larges pour être perceptibles d’ici. Le reste des continents, d’une couleur jaune, est, sans doute, complètement aride et désert.
Quoique la pesanteur soit plus faible sur Mars qu’ici, l’eau a toujours une tendance à descendre et à se répandre dans les bas sillons de la végétation, sillons qui ont les dimensions de la mer Rouge, et auxquels le nom de vallées conviendrait entièrement. Les plateaux supérieurs restent secs. Ces larges vallées aboutissent à des lacs, à des mers, ou à d’autres vallées.
Comme le ton foncé, effet de la végétation ou de l’irrigation, occupe toute la largeur apparente de ces vallées, les deux pentes latérales sont accessibles à l’eau aussi bien que le fond. Leur énorme largeur nous fait penser qu’elles ont été creusées par la nature et non par un travail humain.
Si pourtant on arrête son attention sur certains détails et surtout sur les mystérieuses géminations et leur extraordinaire régularité, l’idée que certaines parties secondaires peuvent être dues à des êtres intelligents ne doit pas être rejetée comme une absurdité, au contraire.
Supposons, un instant, que tout cela soit naturel, sans intervention de pensée directrice. Les neiges du pôle boréal, à mesure qu’elles sont fondues, courent à l’Océan en suivant les vallées qui leur offrent le chemin le plus facile. Si le fond des vallées est concave, l’eau se rassemble en un courant assez étroit et ne s’étend pas sur les pentes latérales ; elle n’y détermine pas non plus la végétation qui nous rend visibles ces vallées. Le cours d’eau existe, mais ne sera pas visible à nos télescopes. Pour que l’eau et la végétation s’étendent sur une largeur de 100 ou 200 kilomètres, il faut que le fond de la vallée soit plat et uniforme. Nous aurons alors quelque chose de semblable à un vaste marais dans lequel pourront se développer une flore et une faune analogues à celles de notre époque carbo-