Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
SCHIAPARELLI. — LA VIE SUR MARS.

dans les nues. Et que dirons-nous des polyèdres si réguliers du monde des cristaux ! Et dans le monde organique, n’avons-nous pas les feuilles symétriques des plantes, les fleurs étoilées des prairies, les animaux de la mer, les spirales des coquilles aussi élégantes que les plus beaux dessins de l’architecture gothique ? Dans toutes ces choses, les formes géométriques sont des conséquences simples et nécessaires des lois qui gouvernent le monde physique et physiologique.

Le plus simple est donc d’abord de supposer que les géminations martiennes ont pour cause les forces de la nature inorganique. Elles peuvent être des effets de lumière dans l’atmosphère de Mars, ou des illusions d’optique produites par la vapeur, ou des phénomènes de glace d’un hiver perpétuel auquel toute la planète serait condamnée, ou des crevasses doubles à la surface de cette glace, ou des crevasses simples dont l’image se doublerait par l’effet de fumées vomies sur de longues lignes et déplacées latéralement par le vent. L’examen de ces explications conduit toutefois à conclure qu’aucune d’elles n’est satisfaisante, ni pour l’ensemble des faits observés, ni pour les détails. Il est difficile de s’arrêter à aucune.

Il serait plus facile de se satisfaire en introduisant l’action des forces organiques. Ici le champ des hypothèses s’agrandit et des combinaisons infinies se présentent. Des changements de végétation sur des espaces étendus et des générations de petits animaux en nombre immense pourraient fort bien être visibles à cette distance. Un observateur placé sur la Lune pourrait constater l’époque de nos labours et celle de nos moissons. L’herbe des steppes de l’Europe et de l’Asie serait indiquée, à la distance de Mars, par le changement de la coloration. Mais combien difficilement les Lunariens ou les Martiens pourraient imaginer les véritables causes des changements de tons observés sur la Terre sans avoir aucune connaissance de la nature terrestre ! Nous sommes dans le même cas pour Mars, et tous nos essais d’explication sont arbitraires. Un rayon subit de lumière pourra briller un jour ou l’autre, comme l’invention inattendue de l’analyse spectrale. Espérons, et continuons d’étudier.

La Vie sur la planète Mars.

Deux ans après l’étude précédente, M. Schiaparelli revenait sur le même sujet dans un nouvel article non moins intéressant et peut-être plus curieux encore, que nous allons également résumer.

Pendant l’opposition de 1894, on a vu les glaces polaires australes diminuer, du 25 mai au 15 août, de 2800 à 600 kilomètres de diamètre. À la première date, elles s’étendaient jusqu’à 67° de latitude. Cette diminution en 80 jours correspond à 13 kilomètres par jour. Ensuite elles restèrent stationnaires. Le solstice d’été arriva le 31 août, et avec lui la plus grande irradiation solaire sur cette région.