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LA PLANÈTE MARS.

mètres de la Terre ; c’est 146 fois la distance de la Lune. On peut distinguer sur la Lune des objets de 500 mètres de diamètre et des lignes de 200 mètres de largeur. Sur Mars on ne peut distinguer que des objets de 60 à 70 kilomètres de diamètre ou des lignes de 30 kilomètres de largeur. Le cours d’un fleuve comme le Pô serait facile à distinguer sur la Lune dans toute sa longueur, mais aucun des plus grands fleuves de la Terre ne serait visible sur Mars. Tandis qu’une petite ville pourrait être vue sur la Lune, il faudrait au moins une île arrondie de la grandeur de Majorque, ou allongée de la grandeur de Chypre ou Candie pour être visible sur Mars.

Les configurations géographiques de Mars sont stables dans leur forme générale, car les dessins de Huygens montrent, en 1659, la Grande Syrte, ceux de Maraldi en 1704, la mer Cimmérienne et la mer des Sirènes, ceux de Bianchini en 1719, la mer Tyrrhénienne et la péninsule Hespérie, etc. Mais cette stabilité ne s’étend pas à certains détails. Les observations ont mis hors de doute qu’un grand nombre de régions changent de couleur selon la saison et selon l’inclinaison des rayons solaires. Ces variations se présentent sur la Terre, mais un fait qui n’arrive pas ici est que les contours des grandes taches subissent parfois des variations, petites si l’on a égard aux dimensions des taches, mais cependant assez grandes pour être visibles d’ici. De plus, ces contours ne sont pas toujours également bien définis. De très minutieux détails se voient mieux à certaines époques et moins bien à d’autres, et, de plus, peuvent d’un temps à un autre varier d’aspect et de forme sans que toutefois on puisse avoir aucun doute sur leur identité. Notons aussi que Mars a une atmosphère assez dense « abbastanza densa » et une météorologie individuelle. Toutes ces variations indiquent un système grandiose d’événements naturels qui donnent à l’étude de Mars un intérêt bien supérieur à celui qui dérive de l’observation topographique d’une surface immuable et inerte comme paraît être celle de la Lune. La planète Mars n’est pas un désert aride : elle vit, et sa vie se manifeste avec un ensemble très compliqué de phénomènes, dont une partie se développe sur une échelle assez vaste pour être observable des habitants de la Terre. Il y a là un monde entier de choses nouvelles à étudier, éminemment propres à exciter la curiosité des observateurs et des philosophes, et qui offriront, pendant longtemps, des sujets d’étude astronomique et continueront de pousser au perfectionnement continu des instruments d’optique. Telles sont la variété et la complication des phénomènes qu’une analyse complète et patiente pourra seule conduire à la découverte des lois qui les produisent et à la connaissance de la constitution physique d’un monde si semblable au nôtre sous certains rapports et si différent à d’autres égards.

Au nombre des sujets d’observation les plus intéressants on doit signaler les variations périodiques des neiges polaires correspondant aux saisons. Nos saisons terrestres durent trois mois chacune : celles de Mars ont une durée presque double, 172 jours en moyenne, l’année étant de 687 jours. On a pour l’hémisphère boréal des deux planètes :