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LA PLANÈTE MARS.

nités d’origine, surtout quand ils sont voisins, comme Mars et la Terre. Nous observons sur Mars des neiges polaires qui sont très étendues à la fin de chaque hiver et sont presque entièrement fondues à la fin de chaque été. Ces neiges sont-elles formées de la même eau chimique que la nôtre ? C’est possible, et c’est même probable.

Qu’est-ce que l’eau ? Du protoxyde d’hydrogène. Or, l’oxygène et l’hydrogène sont partout répandus et se présentent en quelque sorte comme des éléments primordiaux. Nous pouvons penser que la combinaison de ces deux éléments s’est produite sur Mars et sur Vénus comme sur la Terre, car toutes les observations concordent en faveur de cette conclusion.

Mais les états de l’eau diffèrent d’un monde à l’autre, suivant la température, la pression atmosphérique, la dimension de la planète, la distribution de ses climats, son état géologique et géographique, sa densité, etc. L’observation nous conduit à la conclusion que la circulation de l’eau ne s’opère pas du tout à la surface de Mars suivant les lois qui la régissent à la surface de la Terre.

Ici, le mécanisme est assez simple. Les trois quarts du globe sont couverts d’eau, l’évaporation est considérable, l’atmosphère est dense, la chaleur solaire enlève perpétuellement une grande quantité d’eau à la surface des mers, l’élève à l’état de vapeur invisible jusqu’à une certaine hauteur où elle se condense en nuages et où des vents assez puissants, dus précisément à la densité de notre atmosphère, transportent ces nuages au-dessus des continents. En se résolvant en pluies, ou en neiges, la vapeur d’eau ainsi transportée donne naissance aux sources, aux ruisseaux, aux rivières et aux fleuves, et ramène à la mer l’eau qui en avait été enlevée.

On peut évaluer à 721 trillions (721 × 1012) de mètres cubes le volume d’eau transporté ainsi annuellement par l’atmosphère. C’est environ la 4 400e partie de la quantité d’eau totale des mers, laquelle est évaluée à 3 200 quatrillions de mètres cubes. Il faudrait quarante-quatre mille ans à tous les fleuves du monde pour remplir l’Océan s’il était à sec. La chaleur solaire employée à produire ce travail de l’évaporation de la vapeur d’eau ainsi élevée à la hauteur moyenne des nuages pourrait fondre par an 11 milliards de mètres cubes de fer, c’est-à-dire une masse beaucoup plus considérable que le massif entier des Alpes ! En une année, chaque mètre carré de la surface de la Terre reçoit 2 318 157 calories ; c’est plus de 23 milliards de calories par hectare, c’est-à-dire 9 852 200 000 000 de kilogrammètres. La radiation calorifique du Soleil, en s’exerçant sur un de nos hectares, y développe, sous mille formes diverses, une puissance qui équivaut au travail continu de 4 163 chevaux-vapeur. Sur la Terre entière, c’est un travail de 510 sextillions de kilogrammètres ou de 217 316 000 000 000 de chevaux chevaux-vapeur !

Les conditions sont très différentes à la surface de Mars. En admettant qu’il y ait de l’eau, il y en a beaucoup moins que chez nous. La chaleur reçue du Soleil y est moindre, la distance étant 1,52, c’est-à-dire d’environ moitié plus grande