Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
HOLT. — LES CANAUX.

(c’était probablement la trajectoire d’une grande tempête de neige), et il a examiné avec attention l’endroit où elle traversait le Nil ; si ce dernier eût été de l’eau, la neige s’y serait fondue, ce qui eût amené l’interruption de la traînée en ce point ; tandis que si le Nil représentait de la terre ferme, la traînée eût dû passer par-dessus sans altération. En effet, l’observation a montré que le Nil n’a pas été complètement interrompu, mais qu’il a été réduit à un simple fil traversant la traînée blanche. Eh bien ! dans l’hypothèse que le milieu du Nil seulement contiendrait de l’eau, on ne pourrait s’attendre à un autre aspect. On peut penser que le Nil était alors gelé, sauf dans le milieu ; et la saison de l’année (un peu avant l’équinoxe de printemps) ne contredirait pas cette explication.

Les bords d’un canal sont-ils revêtus de végétation, ou bien ont-ils simplement une couleur plus sombre que le reste de la surface ? En premier lieu, s’il y a de la végétation sur Mars, on devrait naturellement s’attendre à ce qu’elle s’étendît surtout le long des rives des fleuves ; les changements d’aspects des canaux semblent aussi avoir une cause analogue.

Pour ne citer qu’un seul exemple, prenons l’Ambrosie ; le 26 septembre 1877, un jour avant le solstice d’été, on a vu ce canal large et grisâtre ; au contraire, en novembre et décembre 1879, il se présenta comme une fine ligne noire. C’est là exactement ce qui devrait se produire si la ligne fine et noire représentait le fleuve Ambrosie lui-même, bordé par une végétation changeante. À l’époque de la première observation, au solstice d’été, les arbres étaient en pleines feuilles ; tandis qu’à la seconde, qui a eu lieu un peu avant l’équinoxe d’automne, les feuilles avaient changé de couleur ou étaient tombées, de sorte que l’on ne voyait que le fleuve seulement. Cette idée paraît attribuer un degré d’analogie entre la végétation de Mars et celle de la Terre, peu probable au premier abord ; mais en parcourant toutes les observations publiées dans La Planète Mars, je suis arrivé à la conclusion que, s’il existe de la végétation sur Mars, et si les changements de teintes observés sont attribuables à cette cause, cette végétation doit offrir une analogie très étroite avec celle de la Terre, principalement dans ses changements dus aux saisons.

On voit que nous considérons les canaux comme les caractères les plus anciens de la planète. J’ajouterai même qu’ils constituent la clef de tous les autres. Ils ont déterminé la distribution des eaux et des terres et fixé le cours des fleuves dès l’origine, de sorte que, dans la suite, il ne s’est produit que des variations insignifiantes, ce qui a laissé aux canaux toutes les traces d’action fluviale.

En outre, en agissant comme des cheminées pour l’énergie souterraine, il est probable que l’action volcanique a été insignifiante sur Mars et confinée seulement aux canaux. Les montagnes se seront formées presque exclusivement le long des côtes de ces derniers, et, bien que quelques-unes puissent être de nature volcanique, il nous paraît plus probable que la majorité résulte simplement de la poussée verticale des fragments de la croûte. Dans ce cas, leur forme serait