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LA PLANÈTE MARS.

surface, de sorte qu’il ne s’est pas échappé facilement à travers les fissures. La seule cause, d’ailleurs, tendant à tirer le noyau vers la surface serait la pression produite par la pesanteur, résultant des fragments refroidis de la croûte qui serait un peu plus dense que la matière encore en fusion ; il n’y aurait pas d’action de compression. Dans ces circonstances, la matière fondue ne se serait pas forcée à travers les fissures, ou seulement incomplètement, de manière à ne pas les remplir.

La différence fondamentale qui existe entre la Terre et Mars peut être résumée comme il suit : Sur Mars, il s’est formé de bonne heure une croûte légère qui s’est aussitôt rompue. Les gaz intérieurs s’échappèrent alors et les fissures devinrent des cheminées pour l’énergie volcanique intérieure, de sorte que la croûte est restée depuis presque à son état primordial. Sur la Terre, la croûte n’a pas été formée aussitôt ; elle ne s’est pas rompue et a été en mesure de comprimer les gaz intérieurs.

Après la question de l’origine, se présente celle de l’état actuel. On admet assez souvent que les canaux soient des fleuves. Nous avons, en faveur de cette théorie : 1o leur couleur sombre, analogue à celle de l’eau ; 2o le fait qu’on n’a pas observé d’autres fleuves ; 3o la considération que l’eau trouverait certainement son chemin dans ces ravins, et 4o la manière dont ils se terminent en baies près des rivages. Nous avons à opposer à cette théorie : 1o la manière dont ces canaux courent d’un océan à l’autre ; 2o leur largeur presque uniforme ; 3o la considération que si tous les canaux étaient des fleuves, Mars serait bien plus richement doté de fleuves que la Terre.

Ici, nous pourrions être aidés, en examinant ce qui se passerait, si la Terre était parsemée de ravins d’une manière analogue.

Naturellement, les eaux de la surface devraient tôt ou tard trouver leur chemin dans ces ravins, et nous verrions ainsi se former des fleuves ; il est évident aussi que les eaux ne seraient pas suffisantes en général pour les remplir complètement, de sorte que nous aurions des ravins avec des fleuves coulant au milieu. De même, bien qu’un ravin puisse s’étendre d’un océan à l’autre, il n’en serait pas de même du fleuve y contenu. En effet, un ravin peut contenir deux fleuves coulant dans des sens opposés, l’un se jetant dans l’un des océans, l’autre dans l’autre. Mais pour que ceci fût le cas avec les canaux, il serait nécessaire de supposer que la partie sèche de tout ravin, de part et d’autre du fleuve, ne se distingue pas de l’eau, ou à cause du terrain dont la couleur serait sombre, ou bien parce qu’il serait recouvert d’une sombre végétation.

Dans cette hypothèse que l’axe seulement de chaque canal contiendrait de l’eau, nous trouvons une explication possible d’une observation faite par Schiaparelli, le 26 décembre 1879. Ce grand observateur a remarqué une traînée large et blanche s’étendant du lac du Phénix dans une direction N.-N.-E., passant par le Fortuna et le Nil double, et paraissant rejoindre une extension des neiges polaires. Cette traînée blanche a été considérée par l’auteur comme de la neige