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HOLT. — LES CANAUX.

constituerait encore une barrière puissante contre l’action des météorites.

En admettant que les canaux soient des failles dans la croûte, nous pouvons nous demander quel a été leur mode de formation. L’idée qui se présente à l’esprit au premier abord est qu’ils ont été produits par la contraction de la croûte pendant le refroidissement ; mais il n’est pas certain que de pareilles failles aient pu se former ainsi. À la suite de conversations avec M. Flammarion, M. Daubrée, l’éminent géologue, a essayé de produire un aspect analogue en recouvrant un globe en caoutchouc creux d’une couche de paraffine et en soumettant ce globe à une forte pression. Rien de semblable aux canaux n’en est résulté, quoique d’ailleurs nos montagnes terrestres y aient été bien imitées ; mais, au contraire, en comprimant de l’eau dans l’intérieur de ce petit globe de caoutchouc, il s’est formé des failles comparables à celles de Mars. M. Lebour a mis en évidence l’analogie qui existe entre les canaux et les fissures du verre éclaté par la torsion. Une autre considération se présente ici : lorsqu’un corps en état de fusion commence à se solidifier, la croûte se contracte d’abord plus rapidement que le noyau encore en fusion ; par conséquent, la croûte se resserre sur le noyau en le comprimant, de sorte que la matière en fusion est poussée vers la surface à travers les fissures. C’est ce qui s’est produit selon toute vraisemblance sur la Lune. La grande différence d’aspect entre les failles de la Lune et celles de Mars nous montre qu’il y a une différence fondamentale dans les causes qui les ont produites. Ces diverses considérations m’ont conduit à l’hypothèse suivante :

Une masse en fusion, d’une matière mauvaise conductrice, se refroidissant librement, devra bientôt se recouvrir d’une croûte mince, tandis que la matière au-dessous de la surface restera en état de fusion. Cette formation d’une croûte mince est en général empêchée par les dégagements de gaz de la matière en fusion, qui brisent la croûte avant que celle-ci ait une épaisseur suffisante pour résister à la force expansive des gaz et vapeurs.

Je suppose maintenant que, dans le cas de Mars, il y ait eu, pour une raison ou pour une autre, un arrêt temporaire dans l’émission des gaz, assez long pour permettre la formation d’une mince croûte dont la résistance n’aura pu être rompue par le gaz lorsque l’émission eut repris son essor primitif, mais pas assez forte pour comprimer le gaz lorsque la contraction se continua. Celle-ci aurait donc été empêchée, combattue, par la force expansive du gaz emprisonné, et se serait ridée latéralement en formant de longues fissures. IL est même possible que, placées ainsi entre la force expansive dirigée vers l’extérieur et la pesanteur dirigée vers l’intérieur, certaines parties de la croûte aient été assujetties à une torsion, donnant ainsi lieu à quelques-uns des canaux ; mais, en général, nous pensons que les canaux sont, à proprement parler, des fissures produites par une contraction latérale. Aussitôt que ces fissures ont été formées, le gaz emprisonné s’est échappé et la croûte rompue est tombée sur le noyau ; mais, en même temps, ce dernier s’est refroidi dans une certaine mesure à la