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LA PLANÈTE MARS.

vasses à la surface de la planète, produites dans la croûte à l’époque où Mars passait de l’état liquide à l’état solide ; ils seraient par conséquent plus anciens que les mers. D’un autre côté, quelques astronomes les considèrent comme artificiels, les habitants ayant pu rectifier les rivières et creuser d’autres canaux, probablement dans un but d’irrigation. Les autres hypothèses émises sont encore que ce pourraient être des sillons tracés : 1o par des aérolithes, ou 2o par des marées. Discutons ces hypothèses.

Si les canaux étaient des failles préexistantes aux mers actuelles, nous devrions nous attendre à ce que quelques-uns des plus longs se continuent jusque dans les mers : ils seraient en général invisibles en traversant les mers, mais devraient reparaître sur des îles ou des surfaces continentales. Sur ces dernières, ils devraient se montrer comme faisant suite aux failles originales. Il devrait même être possible, en des circonstances très favorables, de suivre les canaux sur le fond des mers les moins profondes. D’autre part, s’ils résultaient de la rectification des fleuves, tout prolongement de ce genre devrait être simplement accidentel.

Par suite, si l’on observe de pareils prolongements en trop grand nombre pour qu’on puisse les attribuer à une coïncidence fortuite, ce fait constituera une évidence en faveur de l’hypothèse des crevasses géologiques.

Or, en examinant avec attention la Carte de Schiaparelli publiée à la page 440 de la Planète Mars, je suis arrivé à la conclusion que de pareils prolongements existent réellement. Les cas suivants semblent frappants :

1o Euménides-Nectar, 2o Pyriphlégéton-Ambrosia, 3o Triton-Ascanius, 4o Gigas-Scamandre, 5o Galaxias-Xanthus, et 6o Astaboras-Népenthès.

Les prolongements suivants, bien que douteux, semblent cependant probables : 1o Anubis-Alphée, 2o Cerbère-Penée, et 3o Tartare-Colonnes d’Hercule.

Ces failles ont pu être produites par des affaissements de la croûte et avoir, par suite, une grande influence sur la délimitation des terres et des eaux. Ainsi la mer Cimmérienne semble avoir eu quelque communication avec le Triton ; la mer Tyrrhénienne avec le Typhon ; la mer des Sirènes probablement avec le Tartare ; et le détroit Herschel II, et encore la mer Adriatique avec l’Hydraotes. M. Pickering a suivi quelques-uns des canaux à travers les mers. Ceci n’en est qu’une confirmation de plus.

Tous ces arguments sont en faveur de la théorie des crevasses.

La théorie des marées exigerait que l’eau eût pu se faire jour d’un océan à l’autre à travers la terre ferme. Si les canaux étaient des lignes droites parallèles, ne se rencontrant pas, cette opinion pourrait être admissible ; mais il est difficile de voir comment des lignes droites qui se croisent dans tous les sens pourraient se former ainsi. Il en est de même de l’hypothèse des aérolithes. On peut dire que l’atmosphère raréfiée de Mars ne serait pas un obstacle à cette rencontre ; mais, d’autre part, la pesanteur est très faible. Même dans le cas où la densité de l’air à la surface ne serait que le dixième de la nôtre, l’atmosphère