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LA PLANÈTE MARS.

les régions avoisinantes plus sombres du disque. Ces projections et les parties détachées analogues de la calotte restent constamment visibles pendant des semaines, sans changement important de forme ou de netteté de contour. Ce ne sont pas des nuages. Pour un observateur éloigné, la présence de nuages sur la Terre doit être incontestable. Un Martien ne sait pas, sans doute, ce que c’est qu’un nuage. Si les conditions de notre propre atmosphère sont bonnes, les contours principaux des taches de Mars sont toujours visibles. En commençant les observations, la nuit, nous ne demandons pas : « Est-ce que Mars est clair ce soir ? » Mais toujours : « Notre propre atmosphère est-elle tranquille ? » Nous n’arrêterons pas notre travail parce que Mars s’est couvert de nuages, mais parce que notre atmosphère est nuageuse. Mars paraît être toujours pur.

La conclusion à tirer de cette argumentation est que, du moment qu’il n’y a pas trace de nuages, les calottes polaires ne nous donnent pas de preuves qu’il existe de la vapeur d’eau dans une atmosphère, ou qu’une circulation des matériaux formant les calottes polaires ait lieu dans une atmosphère[1].

Il y a une autre preuve importante que l’on ne saurait négliger. La planète Mars est beaucoup plus éloignée du Soleil que nous. L’intensité de la chaleur et de la lumière du Soleil n’est égale sur Mars qu’aux trois septièmes de la quantité reçue par la Terre ; et, cependant, le climat de Mars paraît plus doux que le nôtre. Non seulement les calottes polaires ne s’étendent pas sur Mars aussi près de l’équateur que sur la Terre, mais encore elles disparaissent complètement sous l’influence du soleil estival. La calotte polaire australe a disparu entièrement vers le milieu d’octobre dernier[2]. Il semblerait être, en effet, facile à un explorateur arctique d’atteindre les pôles de Mars. Tandis que cet état de choses peut être expliqué par le fait que leurs étés sont très longs ; nous ne devons pas oublier que leurs hivers sont également très longs, et l’accumulation de neige pendant leurs hivers devrait être proportionnellement grande. Si les calottes polaires représentent de la neige, nous devons considérer que le climat martien est plus doux que le nôtre. Mais, dans ce cas, comment pourrions-nous expliquer l’absence de nuages ?

Plusieurs observateurs ont fait remarquer que les calottes polaires peuvent consister en cristaux d’acide carbonique congelé. Cette théorie[3] peut être

  1. Cette conclusion nous semble trop absolue. On voit quelquefois des nuages ou des brumes. D’un autre côté, la vapeur d’eau peut être à l’état invisible.
  2. Ceci est contredit par les observations faites en novembre 1894, par M. Barnard, à l’Observatoire Lick, et par nous-mêmes à Juvisy. Les neiges polaires ne paraissent pas fondre entièrement.
  3. L’idée que les calottes polaires blanches de Mars pourraient être autre chose que de la neige a été énoncée en septembre 1892 par M. Ranyard. En réponse à une Note de M. Monck, M. Ranyard disait entre autres : « Je ne suis pas aussi sûr que M. Monck ou mon ami M. Maunder que la lumière du Soleil soit absorbée par de la vapeur d’eau dans l’atmosphère de Mars, et je suis tout à fait préparé à croire que les calottes polaires sont dues à des cristaux blancs (semblables à ceux de la neige) d’acide carbonique, ou même d’air atmosphérique condensé. » (Knowledge, octobre 1892, p. 193.)