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LA PLANÈTE MARS.

Phase. Mais on a vu là cinq canaux à Flagstaff, et beaucoup d’autres paraissent exister. Ils se croisent mutuellement en toutes sortes d’angles. Que l’un ou l’autre soit visible tandis que d’autres restent invisibles, et voilà l’explication depuis si longtemps cherchée pourquoi l’Araxe paraît tantôt droit et tantôt courbe.

Le développement des canaux suit la fonte des neiges et marche avec la saison. Leur apparition commence dans les régions polaires et se continue vers l’équateur. En juin 1894, ce sont ceux qui avoisinent le lac du Soleil et le lac du Phénix qui ont été visibles les premiers. C’est la région continentale la plus proche du pôle. L’eau provenant de la fonte des neiges paraît donc descendre des pôles vers l’équateur.

À partir de l’époque où ils sont visibles, les canaux deviennent de plus en plus marqués à mesure que la saison avance. En août, ils étaient déjà très foncés dans les régions circumpolaires. En octobre ils étaient visibles sur toute la planète. Leur extension dépend, d’une part, de la latitude ; d’autre part aussi, de leur proximité des grandes masses sombres. Ainsi, à l’ouest de la mer du Sablier, les canaux se développent plus tôt que ne l’indiquerait leur latitude. De grandes traînées descendent du pôle à cette « mer », lesquelles, si elles ne sont pas entièrement composées d’eau, sont probablement des terres fertilisées par des filets d’eau les traversant. Elles réunissent la mer polaire avec la Grande Syrte en suivant presque des lignes droites.

Ce qui prouve bien que ce n’est pas de l’eau qui forme ainsi graduellement les canaux, mais de la végétation due à l’eau, c’est la lenteur de cette formation à partir des neiges polaires fondantes. L’eau circulerait vite, tandis qu’ils mettent des semaines et des mois à prendre toute leur ampleur.

Maintenant, ajoute M. Lowell, « tout nous porte à voir là des campagnes artificiellement irriguées. Le caractère géométrique des lignes et leurs curieuses intersections sont inexplicables par des procédés naturels connus. La rareté de l’eau sur la planète rend cette hypothèse tout à fait vraisemblable. Si nous étions là, c’est ce que nous ferions. C’est une nécessité vitale.

« D’autre part, l’aspect du réseau confirme cette déduction. Les canaux partent des régions foncées précisément aux points que nous choisirions nous-mêmes pour construire ce système d’irrigation. Je ne suppose pas pour cela que ces constructeurs nous ressemblent ; mais on doit reconnaître là l’exercice d’intelligences que nous pouvons comprendre.

» Après s’être éloignées des régions sombres, les lignes se continuent, avec la même largeur, jusqu’à un but, lequel est la jonction de rendez-vous des canaux : les oasis. »

On le voit, pour le fondateur de l’Observatoire Lowell, les canaux de Mars représentent un système géométrique d’irrigations construit par les habitants de la planète. Il ajoute que les rendez-vous de lignes prouvent un choix et n’ont rien de naturel, que les montagnes n’ont pas empêché la construction de ces réseaux et qu’elles sont rares sur la planète.