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LA PLANÈTE MARS.

une teinte bleue, puis par du bleu gris, ensuite par du brun et finalement par un ton d’ocre. La mer Cimmérienne jaunit la première, puis ce fut le tour de la mer des Sirènes, puis de la mer Érythrée vers le lac du Soleil. En somme, la surface entière de la planète subit le même changement. L’observateur pouvait dire que Mars était d’une couleur « plus martiale » en novembre qu’en juin.

En comparant tous ces phénomènes, écrit l’auteur, on sent que l’idée d’attribuer à de l’eau ces taches bleu vert doit être abandonnée. Car, si telle était la cause de cette coloration, qu’est-ce que cette eau serait devenue à la fin de la saison ? Elle n’était nulle part sur la planète, et elle n’était pas non plus condensée en neige autour du pôle sud, invisible alors, car ce cap polaire n’avait pas pris d’extension, comme on l’a constaté plus tard. Puisque ces régions teintées ne représentent pas de l’eau et que la végétation offre de loin une couleur analogue, l’auteur conclut en faveur de cette dernière. Lorsque nous considérons, dit-il, l’époque de l’année à laquelle ces changements ont été observés, nous trouvons une confirmation chronologique de l’hypothèse végétale. Au mois de juin 1894, on était au mois de mai sur l’hémisphère austral de Mars, tandis qu’au mois de novembre terrestre on était au mois d’août martien. Si la teinte vert bleu était produite par des feuilles, des plantes, etc., il est tout naturel qu’elle ait été très vive à la première date et fanée à la seconde. Il est donc probable qu’il y a plus de végétation que d’eau dans ce que nous voyons là.

Les canaux, d’abord faibles, clairs, indistincts, sont devenus de plus en plus foncés et mieux visibles avec la saison et après la fonte des neiges. L’eau doit donc être le principe de cette visibilité, non par elle-même, sans doute, mais par la végétation qu’elle détermine et qu’elle développe.

Cette dernière explication est celle que nous avons adoptée depuis longtemps. Il suffit, après certaines semaines sèches et chaudes de l’été, de voir l’influence transformatrice de quelques bonnes journées de pluie sur les pelouses pour apprécier l’influence prépondérante de l’eau dans la transformation des teintes végétales. Les canaux peuvent être des prairies, comme les vallées du Rhin ou du Rhône, vues du haut d’un ballon.

L’ouvrage dont nous faisons ici l’analyse avec tout le soin qui lui est dû ne consacre pas moins de 93 pages (98 à 191) à la description des canaux observés. Il y en a 191, sur lesquels six ont été vus doubles, successivement : l’Hadès, le Gange, le Tithonius, le Nectar, l’Euphrate et le Phison. On lit même à l’observation du 1er septembre cette curieuse note : « Deux Ganges doubles, effet très singulier ».

Plusieurs de ces canaux ont été vus dans les régions sombres, les « mers », et ce n’est pas là l’une des observations les moins étonnantes des astronomes