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OBSERVATOIRE LOWELL, 1894.

mers terrestres et celles de la Lune. Dans un tel état de choses, devant cette diminution et cette rareté de l’eau, « les habitants de Mars ont une raison vitale d’utiliser jusqu’à la moindre goutte toute l’eau disponible qu’ils peuvent se procurer, et paraissent y avoir réussi par de gigantesques et savantes opérations, en établissant sur une vaste échelle un prodigieux système d’irrigation ». « S’il y a des habitants, ajoute M. Lowell, l’irrigation doit être le principal intérêt de leur existence. » Si nous portons maintenant notre attention sur les lignes connues sous le nom de canaux, il semble précisément que nous ayons sous les yeux ce qui paraît être le plus parfait système d’irrigation imaginable. Ces canaux étendent un véritable réseau sur toute la surface de la planète et passent aussi bien à travers les portions sombres que sur les portions claires du disque, d’après les observations de MM. Douglass et Schæberle. Ces canaux traversent les anciennes mers aussi bien que les continents ; leur nombre a été doublé par les observations nouvelles. De plus, aux points où les canaux se rencontrent, on a observé des taches qui ne sont jamais vues isolées : « Il n’y a pas de tache qui ne soit réunie au réseau des canaux, non seulement par un canal, mais par plusieurs ». Les canaux et les taches semblent croître et décroître ensemble.

Ces canaux ne sont pas toujours visibles à la surface de la planète : ils paraissent dépendre des saisons. Les observations prouvent qu’ils subissent un développement marqué, et c’est là qu’on peut chercher à trouver leur origine. Considérons ce « développement » tel que l’a vu et rapporté M. Lowell. Selon lui, les canaux varient en visibilité et non en position, et leur visible développement suit la fonte des neiges polaires. Ils deviennent distincts lorsque la fusion est déjà avancée, et davantage encore à mesure que les saisons progressent. Ceux qui sont les premiers visibles sont ceux du Sud, c’est-à-dire les plus proches du pôle sud. Mentionnons ici que le pôle sud était incliné vers la Terre pendant cette opposition de 1894. La haute latitude et la proximité des régions sombres sont les deux facteurs principaux pour une précoce visibilité. Les canaux qui se dirigent du Sud au Nord sont généralement visibles avant ceux qui sont tracés de l’Est à l’Ouest.

En ce qui concerne le dédoublement des canaux, les observations de M. Lowell l’ont amené à découvrir que ce phénomène n’arrive pas subitement, comme on le croit généralement, mais qu’il y a un mode de développement dans sa marche.

« Dans le cas du Gange, dit-il, un soupçon de gémination était visible, lorsque j’y regardai pour la première fois, en août… Dans les moments de visibilité, les deux bords se montraient plus sombres que le milieu ; c’était un dédoublement en embryon, avec une bande de terre entre les deux lignes jumelles. En octobre, la gémination était plus évidente, le terrain entre les lignes jumelles s’était éclairci. En novembre, on ne pouvait plus avoir aucun doute sur la séparation des deux lignes. »

Voyons aussi quelle explication l’auteur donne des canaux. L’idée qu’il adopte est celle que nous avons suggérée, à savoir : de la végétation de part et d’autre