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OBSERVATOIRE LOWELL, 1894.

Il est facile de remarquer, sur la mer en été, sur une plage chauffée par le soleil, la vibration des vapeurs, vibration beaucoup moindre en hiver. Qu’on se représente ces ondulations grossies trois et quatre cents fois. C’est comme un livre que l’on remue et sur lequel on ne peut rien lire, bien qu’il soit à bonne portée, et si nets que soient ses caractères.

L’orateur a donc pris soin de rechercher l’air le plus pur qui fût aux États-Unis et l’a trouvé dans la région Sud-Ouest, dans l’Arizona, sur le mont Aréquipa.

Il est difficile de donner une idée complète de la limpidité et de l’immobilité de l’air dans ces régions. Les fumées s’y élèvent droites comme des colonnes. Cette heureuse condition a permis à l’observateur de découvrir sur la planète nombre de détails qui n’y avaient pas encore été vus. Dans une série de belles projections, faites d’après ses dessins, il montre d’abord les neiges polaires de la planète, sur lesquelles il signale de longues et larges crevasses, et dont il fait remarquer le décroissement. Il appelle l’attention sur une bordure foncée autour de ces glaces, bordure d’un azur profond, qui a toutes les apparences d’une étendue liquide. Quant aux autres taches sombres, considérées généralement comme des mers, l’observateur fait remarquer qu’elles sont plutôt verdâtres que bleues, et s’appuyant sur leurs changements de couleur ou de forme, suivant les saisons, il croit pouvoir les attribuer à de la végétation. Arrivant à la question des canaux, M. Lowell, en raison de leur couleur également verte, croit qu’ils sont accentués par des bandes de végétation. Il en a découvert un grand nombre de nouveaux, remarquant leurs directions toujours rectilignes, leurs croisements géométriques et, à leurs points de jonction, des taches rondes, qu’il nomme oasis, et cette régularité parfaite, évidemment voulue, dénote, selon lui, l’intervention d’êtres animés, sans doute différents de nous, mais d’un degré intellectuel avancé.

La très grande inclinaison du pôle austral a permis d’observer les neiges exceptionnellement bien. On a pu non seulement constater des détails topographiques sur ces neiges, mais encore en étudier les diverses élévations. La calotte polaire s’est montrée constamment bordée d’une bande sombre. Cette bande a fidèlement suivi la calotte dans sa retraite vers le pôle, ce qui conduit à penser que cette tache enveloppante doit être liquide et produite par la fonte des neiges. Entre 320° et 220° de longitude, elle mesurait 560 kilomètres de largeur ; plus à l’Est[1], elle n’en avait que la moitié, mais vers 290° de longitude, cette mer polaire forma un immense golfe qui, sous les meilleures conditions atmosphériques, s’est montré d’un bleu exquis.

Cette calotte a été presque coupée en deux par une grande brèche qui s’est ouverte insensiblement à travers la neige[2]. Le 15 juin, la brèche avait 350 kilomètres de largeur. L’apparition de cette brèche montre que la calotte neigeuse repose sur des terrains d’élévations inégales, puisque des parties rela-

  1. On suppose l’observateur placé sur Mars.
  2. Voir plus loin fig. 122, p. 119.