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LA PLANÈTE MARS.

» La ressemblance de l’effet produit avec la Carte où M. Schiaparelli a synthétisé toutes les géminations observées est des plus saisissantes.

» Or il est facile de reconnaître que les conditions essentielles de notre expérience sont réalisées à la surface de Mars et dans son atmosphère. La lumière solaire frappant le disque planétaire est réfléchie très inégalement suivant les points : beaucoup par les continents ; bien moins par les surfaces sombres, mers et canaux. Quand l’atmosphère martienne est limpide, l’inégalité dont il s’agit ne nous est pas sensible ; mais si l’océan aérien renferme quelque nappe de brume transparente à une hauteur et avec une opalescence convenables, le contraste y apparaît, comme sur la mousseline, par la production d’ombres qui, pour un œil placé ailleurs que sur le prolongement des rayons réfléchis, reproduisent, à côté de chacune des surfaces peu réfléchissantes, une image pareille à elle. Or M. Schiaparelli a noté un aspect de nébulosité dans les régions qui vont se géminer.

» Tous les observateurs ont insisté sur le rôle évident des brumes et des brouillards dans les apparences, très changeantes d’un jour à l’autre, du disque de Mars.

» L’extraordinaire simplicité de l’explication que je propose me mettrait en garde contre elle, après les innombrables efforts qu’on a faits pour la trouver, si le contrôle expérimental auquel je l’ai soumise ne me paraissait décisif en sa faveur. »

À la séance de la Société astronomique de France du mois de mai 1898, une discussion s’est élevée à propos de cette explication (géométriquement très contestable, puisque l’écartement des géminations devrait s’accroître avec la distance au centre du disque, ce qui n’est pas) ; M. Quénisset a donné lecture de la lettre suivante de M. Schiaparelli.

La théorie de M. Meunier, sur la gémination des lignes de Mars, est belle, séduisante et ingénieuse, mais elle ne satisfait pas aux phénomènes. Pour s’en convaincre, il suffit d’en faire l’examen à l’aide de la théorie des miroirs sphériques. On verra tout de suite qu’il existe un point sur la surface de Mars pour
Fig. 114.
lequel le rayon, venant du Soleil, est réfléchi directement sur la Terre. Dans ce point, une tache de la surface et son fantôme atmosphérique doivent se superposer pour l’observateur terrestre : de sorte que toute gémination est impossible. Toute ligne qui passe par ce point ne pourra subir de gémination, à moins qu’elle ne soit très longue. Si elle est trop longue, il y aura une divergence des deux côtés du point en question ; la courbe réelle et non son image se toucheront à ce point, comme le montre la figure 114. Lorsque la ligne aura avancé à droite ou à gauche de A, il y aura gémination : mais cette gémination changera la largeur de son intervalle, et sa disposition. Tout cela est contraire à l’observation. Les géminations passent par le point A et dans les environs de A, sans subir le moindre changement : elles