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LE DÉDOUBLEMENT DES CANAUX.

En laissant les volets entre-bâillés, on obtenait sur le mur une fente lumineuse visible de toute la pièce et due à la lumière de Mars. Une feuille de papier blanc, invisible dans l’obscurité de la chambre, se distinguait très bien dans le trajet cette fente. En approchant la main, on reconnaissait parfaitement les ombres séparées des cinq doigts et la silhouette des objets. Enfin, en présentant un journal à la lumière de Mars, on reconnaissait aisément la place du titre et même le nombre de mots, mais sans pouvoir lire ceux-ci, comme la lumière de Jupiter m’avait permis de le faire.

Je crois donc pouvoir dire qu’au moins dans ses périodes de plus grand éclat, Mars donne des ombres sensibles, assurément moins fortes que celles de Vénus ou Jupiter, mais encore parfaitement appréciables.

Lumière de Vénus. — M. Léon Guiot a fait, d’autre part, à Juvisy, la curieuse observation suivante sur l’intensité de la lumière de Vénus :

« Le 29 août, à 2h 47m du matin, étant sur le point de me lever pour commencer observation de Jupiter, je fus étonné de la vivacité de la lumière qui arrivait par la fenêtre de ma chambre, et, voulant m’assurer du jour qui semblait venir de l’extérieur, je constatai avec surprise que cette lumière était celle de Vénus, située Juste en face de ma fenêtre. Voyant mon ombre se mouvoir sur le mur, l’idée me vint de regarder les aiguilles de ma montre. Tout était visible comme au clair de lune. On pouvait lire le journal. Prenant alors ma montre suspendue verticalement à la main, il m’a paru intéressant d’en dessiner l’ombre projetée par les rayons de la planète sur la tapisserie de la chambre, et j’en ai fait le croquis au clair de Vénus.

» Le jour suivant, j’ai constaté que Vénus est restée visible à l’oeil nu jusqu’à 2h du soir. Elle était, du reste, alors constamment visible en plein jour. »

clxviii.Stanislas Meunier. — Le Dédoublement des Canaux[1].

M. Stanislas Meunier, professeur au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, a proposé, en 1892, l’explication suivante pour le dédoublement des canaux.

« Je dessine à l’aide d’un vernis noir, sur une surface métallique polie, une série de lignes et de taches représentant plus ou moins exactement la Carte géographique de Mars, puis je fais tomber sur elle un rayon de soleil ou de toute autre source lumineuse. Je place alors, à quelques millimètres devant la surface métallique et parallèlement à elle, une fine mousseline bien transparente, tendue sur un cadre, et je vois aussitôt toutes les lignes et toutes les taches se dédoubler, se géminer par suite de l’apparition, à côté de chacune d’elles, de son ombre, dessinée sur la mousseline par la lumière que le métal a réfléchie.

  1. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 1892, t.CXV ; p. 678.