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ANCIENNES OBSERVATIONS. — FLAUGERGUES.

Ici l’auteur fait un calcul du méridien central de Mars qu’il appelle méridien gédiabénique (de γη, Terre, et δίαβαινω, je passe), et compare les positions de la planète pour les sept figures ci-dessus et trouve que les première, quatrième et sixième observations se rapportent à peu près à la même position, et que la seconde et la septième sont très rapprochées. Puis il ajoute :

L’apparence des taches de Mars aurait dû être à peu près la même dans les première, quatrième et sixième observations et pareillement cette apparence aurait dû être à peu près semblable dans la seconde et dans la septième, en supposant que la figure des taches de la planète soit constante, et que leur apparence ne varie qu’à raison du mouvement de rotation de cette planète autour de son axe. Donc, puisque la figure, le nombre et la disposition des taches ont toujours paru très différents dans chaque observation, on doit en conclure que les changements qu’on observe dans les taches de Mars sont réels, et que ces taches peuvent physiquement changer de figure, augmenter et diminuer, disparaître et reparaître de nouveau, ainsi qu’on l’observe dans les taches du Soleil. Mais nous remarquerons en même temps que les variations que nous avons observées sont si grandes, que pour produire des apparences semblables dans le globe terrestre, vu à la même distance que Mars, il ne faudrait pas moins que la submersion d’un continent, tel que l’Amérique, ou le dessèchement d’une mer, comme l’océan Atlantique. Ces changements sont trop considérables pour qu’on puisse en supposer de pareils dans le globe solide de Mars, et y placer la cause des variations que nous avons observées dans ses taches. Cette supposition ne s’accorderait pas avec l’état d’équilibre et de consistance auquel les planètes, à en juger par la Terre, sont parvenues depuis longtemps ; et il est beaucoup plus probable que ces taches, et les grands changements qu’elles éprouvent, n’ont lieu que dans l’atmosphère de Mars dont plusieurs observations indiquent l’existence.

Il paraît même que le fluide dont elle est composée a beaucoup de rapport avec notre air ; il lui ressemble au moins dans une propriété remarquable, celle d’absorber les rayons bleus et violets, et de ne transmettre sensiblement que les rayons jaunes et rouges. Cette propriété nous est indiquée par la couleur rouge de Mars. Dans cette supposition, qui paraît prouvée, les grandes taches rouges que nous avons observées pourraient bien être de grands amas de nuages flottants dans l’atmosphère de Mars, ou plutôt d’immenses brouillards pareils à celui qui couvrit, pendant plusieurs mois, une grande partie de notre globe en 1783, dont l’étendue, la figure, le nombre et la situation peuvent facilement et considérablement varier par l’effet de la chaleur, par celui des vents, ou par d’autres causes inconnues, et qui peuvent même, par l’effet de ces mêmes causes, se dissiper et renaître ensuite, comme nous le voyons sur la Terre.

Telles sont les observations de Flaugergues de 1796 à 1809. Elles ajoutent peu aux précédentes. Les variations polaires sont confirmées ainsi que celles des taches sombres. Quant à admettre que ces taches soient de nature atmo-