Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.
vii
PRÉFACE

L’Ouvrage que nous entreprenons ici se partage donc naturellement de lui-même en deux Parties. La première donnera l’exposé et la discussion de toutes les observations faites sur Mars, depuis les plus anciennes, qui datent de la première moitié du XVIIe siècle, jusqu’aux dernières. La seconde Partie résumera les résultats conclus de cette étude générale de la planète.

Notre première Partie, d’autre part, se partagera en trois périodes. La première période commence avec la plus ancienne observation, de l’an 1636, et s’étend jusqu’à l’année 1830. Elle comprend ainsi presque deux siècles. Les dessins faits pendant toute cette période sont rudimentaires et étaient absolument insuffisants pour donner une idée quelque peu exacte de la constitution physique de la planète, La seconde période commence en 1830 et s’étend jusqu’à l’année 1877. Elle a inauguré la géographie martienne, ou, pour parler plus exactement, l’aréographie. Durant cette période, les grandes oppositions de Mars, les époques où cette planète s’est le plus rapprochée de la Terre, ont apporté des notions de plus en plus étendues et de plus en plus précises sur l’état de ce monde voisin. La troisième commence en 1877, par le premier plan géodésique (aréodésique) de triangulation qui ait été fait de la surface continentale et maritime de la planète, et se continue jusqu’à l’heure actuelle par les surprenantes découvertes de détails faites coup sur coup pour ainsi dire dans la géographie bizarre et partiellement changeante de ce singulier pays.

Dans la première période, on connaît de Mars son volume, sa masse, sa densité, la pesanteur à sa surface, l’inclinaison de son axe, la durée de son année et de ses saisons, la durée de sa rotation diurne ainsi que de ses jours et de ses nuits, l’existence de ses taches polaires et leurs variations d’été et d’hiver ; on devine que ce sont des neiges analogues à celles de nos pôles ; on commence à penser que les taches foncées peuvent représenter des mers et que les continents sont jaunes. L’atmosphère est plutôt soupçonnée qu’étudiée.

Dans la seconde période, on trace les premières cartes géographiques de la Planète, on confirme l’assimilation des taches polaires à des neiges en constatant qu’elles fondent régulièrement sous l’action des rayons solaires. On reconnaît que la seule explication à admettre des taches foncées est de les considérer Comme représentant des étendues d’eaux et l’on s’aperçoit que leurs contours sont soumis à des variations, on trace en détail des golfes et des embouchures de grands fleuves, on analyse chimiquement l’atmosphère au spectroscope et l’on y constate la présence certaine de la vapeur d’eau ; on démontre que cette atmosphère ne peut pas être la cause de la coloration rougeâtre de la planète, puisque cette coloration est plus marquée au centre du disque, où l’épaisseur atmosphérique traversée est moindre que sur les contours où cette coloration est presque effacée ; on trouve que la température dépend principalement, non de la distance au Soleil, mais de l’état de l’atmosphère (exemples : le sommet et