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PRÉFACE

de la Science parlent d’eux-mêmes et rendraient superflu tout embellissement littéraire.

On peut convenir, d’ailleurs, que le moment est bien choisi pour une recherche du genre de celle-ci. L’étude astronomique de la planète Mars est très avancée. Nous possédons un très grand nombre d’observations et d’excellentes, commencées depuis deux siècles et demi et qui sont allées sans cesse en se perfectionnant. Mais ces observations auraient beau s’entasser par centaines et par milliers, elles ne serviraient jamais à rien si l’on n’entreprenait de les comparer toutes ensemble et d’en faire la synthèse complète afin d’en dégager tout ce que nous en pourrons tirer pour la connaissance de cette planète.

L’Astronomie mathématique devait évidemment conduire à l’Astronomie physique, sans laquelle, d’ailleurs, elle perdrait la majeure partie de son intérêt. Chercheurs du grand problème, ne voyons pas seulement des pierres en mouvement dans l’espace. Les masses sidérales ne sont pas tout ; la valeur du Soleil ne consiste pas seulement dans son poids, non plus que celle de la Terre. Le philosophe voit plus haut et plus loin : il cherche le but. Il admire les bases mécaniques du système de l’Univers, mais ne s’y arrête point. Lorsqu’il contemple au télescope un monde perdu au fond de l’immensité, il peut s’intéresser à sa distance, à ses mouvements et à sa masse, mais il veut savoir davantage et se demande quelle est la nature de ce monde, quelle est sa constitution physique au point de vue de son habitabilité, Voilà ce qui l’intéresse ; le reste n’est que la voie qui doit conduire au but.

Dès le temps de Galilée, l’Astronomie physique était fondée.[1]. Ses progrès ne pouvaient être que directement liés à ceux de l’Optique, et, en effet, ils ont suivi graduellement les perfectionnements apportés à la construction des lunettes et des télescopes, surtout en ce qui concerne l’agrandissement et, plus encore, la netteté des images. Mais l’ardeur des observateurs, leur patience, leur persévérance, le perfectionnement pratique de leurs méthodes, l’adaptation même de leur rétine à la difficulté des recherches, n’ont pas moins contribué au succès que les progrès de l’Optique proprement dits.

  1. Mais rarement comprise, même par les astronomes qui se servent du mot. Ainsi pour n’en citer qu’un exemple, les bibliothèques astronomiques possèdent toutes, sur un bon rayon, le Traité d’Astronomie physique, en cinq volumes in-8o, de J.-B. Biot, membre de l’Académie des Sciences, de l’Académie française, de l’Académie des Inscriptions, du Bureau des Longitudes, professeur à la Faculté des Sciences, au Collège de France, etc, etc. etc. Ces cinq volumes « d’Astronomie physique » ne comprennent pas moins de 2 916 pages — sur lesquelles il n’y en a pas un cent qui aient vraiment pour objet la constitution physique des corps célestes ! La constitution physique de Mars y a reçu, en tout, une page (tome V, 1857, p. 401). Le titre de cet Ouvrage devrait être beaucoup plus justement : Traité d’Astronomie mathématique. On pourrait en dire autant de la plupart des auteurs. Delambre, parlant des observations faites sur la rotation de Vénus, sur la constitution physique de Mars, sur les taches du Soleil, fait entendre que c’est là du temps perdu ! Etc., etc.