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ANCIENNES OBSERVATIONS. — SCHRŒTER.

valeur, Nous donnerons nous-mêmes ici, comme excellent résumé de l’œuvre de Schrœter sur la planète Mars, un extrait du rapport présenté sur ce point par l’astronome de Louvain à l’Académie des Sciences de Belgique.

NATURE DES TACHES SOMBRES DE MARS D’APRÈS SCHRŒTER.

L’astronome de Lilienthal rappelle une opinion émise par W. Herschel dans un mémoire sur la planète Vénus, publié en 1793. Voici la traduction du passage auquel Schrœter fait allusion : « Je suppose que les bandes brillantes de Jupiter, comprises entre les bandes obscures, sont les zones où l’atmosphère de cette planète est le plus remplie de nuages. Les bandes obscures correspondent aux régions dans lesquelles l’atmosphère, complètement sereine, permet aux rayons solaires d’arriver jusqu’aux portions solides de la planète, où, suivant moi, la réflexion est moins forte que sur les nuages. » L’explication que Schrœter donne des taches sombres de Mars est diamétralement opposée : pour lui, les taches sont des nuages réfléchissant moins de lumière que le corps solide planétaire. Aussi s’élève-t-il énergiquement contre l’opinion d’Herschel, qu’il déclare tout à fait inacceptable. Il cite à l’appui de sa théorie l’observation suivante qu’il fit dans une ascension sur le mont Brocken. « Un épais brouillard précéda le lever du Soleil ; lorsque cet astre commença à monter au-dessus de l’horizon, les vapeurs descendirent peu à peu dans les vallées, sous les pieds de l’observateur. Au-dessus de celui-ci, le ciel devint d’une sérénité parfaite. Au-dessous, les rayons solaires venaient se réfléchir sur les sommets des montagnes qui se dégageaient peu à peu à mesure que le brouillard s’affaissait. Or, dit Schrœter, l’aspect grisâtre du nuage réfléchissant la lumière solaire était à la splendeur des sommets de montagnes ce que sont les taches sombres des planètes à l’égard de la surface vivement illuminée. »

Schrœter traite longuement de tous les points de ressemblance que présentent la Terre et la planète qui fait l’objet de son étude : « Nous trouvons, dit-il, une analogie si grande entre ces deux corps célestes, leurs atmosphères présentent une telle similitude, que l’on est porté à en déduire une disposition naturelle complètement semblable des deux sphères elles-mêmes. Mais il faut se garder de conclure ici d’une manière trop absolue, car les preuves directes nous font défaut. Je n’ai jamais observé avec certitude des taches obscures complètement fixes, comme le seraient nos mers et nos lacs, réfléchissant, moins de lumière. » Schrœter expose ensuite les motifs qui expliqueraient pourquoi, suivant lui, on n’aperçoit pas distinctement la configuration de la surface planétaire elle-même.

Cependant les grandes taches se terminant en pointe du côté du Nord attirent au plus haut degré l’attention du célèbre astronome ; il leur consacre un paragraphe spécial : « En étudiant sérieusement ces observations, dit-il, on sera convaincu que ces masses de nuages obscurs en forme de pyramides se produisent sur différentes parties de la surface planétaire. Quelle force naturelle les déterminait à prendre cette forme, pourquoi leur base s’appuyait-elle toujours à la bande