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LES CANAUX.
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aussi plus perfectionnée, et que l’unité féconde des peuples, les travaux de la paix aient pu atteindre des développements considérables ?

Nous ignorons ce que peuvent être ces longs tracés sombres à travers les continents, si toute leur épaisseur est homogène, et rien ne nous prouve assurément que ce soient là des canaux pleins d’eau. On peut faire là-dessus mille conjectures. On y peut voir des travaux de drainage des eaux devenues rares sur la planète ; on y peut imaginer de préférence une sorte de cadastre de cultures collectives sur un globe « arrivé à la période d’harmonie » ; on se souvient que Proctor, traitant ce sujet dans un intéressant article du Times, a suggéré l’idée que « les habitants de Mars peuvent être engagés en de vastes travaux d’ingénieurs, attendu que ces lignes sont tracées dans toutes les directions et gardent entre elles une distance constante et significative » ; et qu’à une séance de la Société Royale astronomique de Londres, M. Green, l’habile observateur de Mars, signalant cette interprétation, ajoutait qu’il n’a aucunement l’intention d’introduire un sujet de plaisanterie dans une matière scientifique aussi importante, mais que de tels aspects géographiques méritent la plus grave attention et qu’il est du plus haut intérêt de les vérifier ; M. Maunder, de l’Observatoire de Greenwich, a fait remarquer que ce qu’il y a de plus étrange, c’est que ces canaux paraissent changer de place et sont tantôt visibles et tantôt invisibles ; pour plusieurs observateurs, ce ne seraient pas des canaux proprement dits, mais plutôt des bordures de districts plus ou moins foncés. Quoi qu’il en soit, la nature peut avoir été corrigée ; les inondations faciles, fréquentes et toujours menaçantes, sur des continents nivelés par l’usure du temps, peuvent avoir donné l’idée d’une régularisation rationnelle des eaux. Il semble bien qu’il ne nous soit pas plus possible d’arriver à expliquer ce réseau géométrique sans intervention intellectuelle qu’un habitant de Vénus qui prétendrait vouloir expliquer nos réseaux de chemins de fer par le seul jeu des forces géologiques naturelles.

Le globe de Mars doit être à peu près nivelé par les siècles, et l’eau n’y est plus qu’en faible quantité. Ce qui arrivera dans quelques millions d’années pour la Terre doit être arrivé pour Mars. Les pluies désagrègent lentement les montagnes, les fleuves en transportent les débris à la mer dont le fond s’exhausse graduellement ; mais en même temps la quantité d’eau diminue en pénétrant dans l’intérieur du globe et en se fixant sur les roches à l’état d’hydrates. Tout globe terminé se nivèle lentement. Il n’y aurait rien de surprenant à ce que sur Mars les efforts de la civilisation eussent surtout tendu à une répartition féconde des eaux à la surface de ces vieux continents.

Ces tracés rectilignes mettant en communication toutes les mers mar-