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LES CANAUX.

M. Daubrée a cherché (voyez Société Astronomique de France, séance du 7 mai 1890, et L’Astronomie, 1890, p. 213) à reproduire le réseau des canaux de Mars en comprimant un globe en caoutchouc dans le but de le déformer, de le rider, de briser son enveloppe sphéroïdale par l’effet d’une contraction, et n’a rien pu obtenir qui y ressemblât, quoiqu’il eût obtenu une imitation des chaînes de montagnes terrestres, des continents et des mers. Mais il a réussi à imiter le réseau martien par un procédé contraire, par la dilatation d’une croûte sphéroïdale et par les cassures qui en résultent. Un enduit de plâtre, de mastic à mouler ou de paraffine étant appliqué sur un ballon en caoutchouc que l’on dilate par l’introduction graduelle d’eau sous pression, finit par présenter des brisures rectilignes, souvent parallèles deux à deux et se coupant suivant diverses directions, ressemblant à ce que l’on voit sur Mars.

On pourrait encore supposer, comme l’a fait notamment M. Armelin à la Société Astronomique de France, que les continents de Mars sont des grèves, des plaines sablonneuses, et que l’eau des pluies ruisselle à la surface, donnant naissance à des cours d’eau qui peuvent changer de place d’une saison à l’autre. Mais la longueur de ces lignes, leur rectitude géométrique, et surtout leurs entrecroisements, sont d’insurmontables difficultés.

Vraiment, plus on regarde ces cartes, ces dessins, moins on y sent l’œuvre aveugle de la nature.

Un commencement d’explication du mystère des canaux de Mars ne pourrait-il être essayé en réduisant la question à sa plus simple expression et en considérant non plus l’ensemble de ce réseau énigmatique et peut-être incertain en plus d’une de ses parties, mais simplement d’abord une — ou quelques-unes seulement — de ces lignes foncées que leur aspect a conduit, dès l’origine, à assimiler à des cours d’eau ?

Dans ce but, nous nous permettrons de reprendre la question antérieurement à la découverte des « canaux », faite par M. Schiaparelli en 1877. Antérieurement à cette époque, nous écrivions que « certains golfes des mers martiennes, certaines baies allongées en pointes dans l’intérieur des terres, donnent l’idée d’embouchures de grands fleuves. »

Il n’est peut-être pas hors de propos de revenir à cette idée.

Replaçons, par exemple, devant nos veux, le dessin de Dawes du 20 novembre 1864 (p. 187, fig. 1). Nous y remarquons, dans la région marquée a, la baie fourchue découverte par Dawes lui-même, point adopté pour premier méridien de la géographie de Mars, et pour lequel nous avons proposé le nom de « baie du Méridien ».

L’observation de ce golfe a donné à l’éminent observateur « l’impression de deux très larges embouchures de fleuves » qu’il chercha à remonter, mais dont il « ne put découvrir la trace ».