Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/588

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
574
LA PLANÈTE MARS.

réels, incontestables, et considérables, s’accomplissent à la surface de ce monde voisin.

La question ne manque pas d’intérêt. Outre qu’il est déjà curieux de savoir que nous pouvons voir d’ici ce qui se passe sur Mars, il ne l’est pas moins de constater que, tout en ressemblant beaucoup à notre planète par sa constitution générale, son atmosphère, ses eaux, ses neiges, ses continents, ses climats, ses saisons, ce globe voisin en diffère cependant de la manière la plus bizarre par sa configuration géographique, ses canaux dédoublés, et surtout par cette faculté de transformation superficielle et de dédoublement des lacs eux-mêmes, de lacs grands comme la France !

Comment expliquer ces variations ?

L’hypothèse la plus simple serait d’imaginer que la surface de Mars est plate et sablonneuse, que les lacs et les canaux n’ont pas de lits, pour ainsi dire, sont très peu profonds, et n’ont qu’une très faible épaisseur d’eau, et qu’ils peuvent facilement, suivant les circonstances atmosphériques, les pluies, les marées peut-être, se rétrécir, s’élargir, déborder, et même changer de place. L’atmosphère peut être légère, l’évaporation et la condensation des eaux faciles. Nous assisterions d’ici à des inondations plus ou moins vastes et plus ou moins durables. La séparation du lac du Soleil en 1890 serait due, par exemple, à une diminution ou à un déplacement de l’eau de ce lac, la ligne de séparation pouvant être considérée comme un banc de sable mis à découvert.

Cette explication peut rendre compte d’une partie des faits observés. Mais elle est insuffisante pour le caractère particulier de ces aspects : le dédoublement.

Remarquons d’abord qu’il ne semble pas qu’il y ait moins d’eau, puisque les affluents de ce lac sont plus nombreux, et que celui de gauche a la longueur d’un bras de mer.

Déplacements d’eaux dus à des marées ? Ce serait périodique, ne durerait que quelques heures, et ne caractériserait pas comme ici des saisons entières.

Devons-nous plutôt admettre que le banc de sable s’est élevé au-dessus du niveau des eaux et qu’en général, les déplacements d’eaux soient dus à des soulèvements du sol ?

Il est également difficile d’accepter cette interprétation, d’abord parce qu’une telle instabilité du sol serait bien extraordinaire, ensuite parce qu’il faudrait que ces boursouflements du sol fussent en général rectilignes ; enfin parce que les aspects reviennent, après plusieurs années, tels qu’on les a vus d’abord. Et puis, ces déplacements d’eaux n’expliquent pas le fait capital, on pourrait dire caractéristique, des changements observés sur Mars : la tendance au doublement.