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LA PLANÈTE MARS.

Mais il ne faut en prendre aucune à la lettre.

Sans doute, il y a des heures de calme parfait et de pure transparence qui donnent d’excellentes images télescopiques, et même récemment nous venons d’être favorisés de quelques-unes de ces heures (nuits du 15 au 16 juillet 1892, du 31 au 1er août, du 5 au 6 août, et du 12 au 13) ; mais on est loin de tout voir, et même de voir exactement cette curieuse topographie.

Imaginons un papier de tapisserie dont le dessin serait formé d’un enchevêtrement de figures humaines, les unes riant, les autres pleurant, alternant avec des figures d’animaux, des plantes et des fleurs de toute espèce, le tout disposé par alignements entrecroisés et de divers tons, formant dans l’ensemble de grands dessins géométriques.

De très loin, on ne distinguera que ces grands dessins géométriques, cercles, carrés, losanges, étoiles, rectangles, triangles, polygones, etc.

De moins loin, on remarquera qu’au fond tout est aligné suivant des lignes droites entrecroisées sous divers angles.

De prés, on distinguera des plantes, des animaux et des hommes.

De plus près encore, on reconnaîtra des figures humaines, des animaux, des plantes, des visages qui rient, des visages qui pleurent. Et alors l’aspect général de l’ensemble sera perdu pour l’œil de l’observateur.

C’est là l’histoire de ce qui arrive dans l’observation de la planète Mars.

Il importe donc que nous soyons d’abord convaincus des étonnantes divergences qui existent entre les dessins des meilleurs observateurs munis des meilleurs instruments. Nous les avons eues sous les yeux dans tout le cours de cet Ouvrage. Rappelons seulement quelques exemples bien démonstratifs à cet égard.

I. — Différences dues aux observateurs.

Voici (fig. 264 et 265) deux dessins faits le même jour et presque à la même heure, à l’aide d’excellents instruments parfaitement comparables, par deux observateurs compétents, soigneux et habiles (et précisément ce sont deux de leurs meilleurs dessins, obtenus dans les meilleures conditions). Ils représentent à peu près le même hémisphère de la planète, le 18 octobre 1862, à 8h 13m pour le petit dessin, fait en Italie par Secchi ; à 8h 0m pour le grand, fait en Angleterre par Lockyer. La première heure est celle du méridien de Rome, et la seconde, celle de Greenwich. Par conséquent, en temps de Paris, le premier dessin représente la planète à 7h 33m et le second à 8h 9m. La différence de temps est de 36m : la tache ronde entourée de blanc, que l’on voit vers le centre du disque, est plus avancée de 36m vers la gauche dans le grand dessin que dans le petit.