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LA PLANÈTE MARS.

rents est par elle-même un empêchement très grave : cette difficulté ne disparaîtra que quand la Photographie céleste sera assez avancée pour reproduire les détails les plus minutieux que nous parvenons à découvrir à l’aide de nos bons télescopes actuels.

Ces taches foncées et ces taches claires, permanentes, et qui ne se substituent jamais les unes aux autres, doivent être de natures différentes. Il y a, à la surface martienne, des liquides et des solides, car nous observons des neiges, des brumes et de la vapeur d’eau, et, si tout était liquide, la permanence séculaire des taches n’existerait pas. Les étendues aquatiques sont-elles représentées par les taches foncées ou par les claires ?

Tout nous invite à penser que ce sont les foncées qui les représentent. D’abord, les eaux, les liquides en général, absorbent plus de lumière que les surfaces continentales, à moins que celles-ci ne soient couvertes d’une végétation très sombre. D’autre part, nous assistons annuellement à la fonte des neiges martiennes, et cette fusion entoure les neiges restantes d’une bordure foncée. En troisième lieu, la forme des rivages découpés en golfes ou en caps s’accorde mieux avec l’attribution des mers aux taches sombres. En quatrième lieu, les variations observées, les élargissements ou raccourcissements, s’appliquent mieux à la première interprétation qu’à la seconde. En cinquième lieu, les changements de tons observés si fréquemment sur les taches foncées, depuis le noir d’encre jusqu’au gris clair, et la mobilité de ces tons s’appliquent mieux également à un élément liquide qu’à un élément solide. (Ainsi, par exemple, il y a des années où la mer Terby a paru noire comme de l’encre, si foncée, que l’on a proposé de la substituer à la baie du Méridien pour le méridien initial. Eh bien ! cette année 1892, depuis trois mois que je l’observe en particulier, elle est vague, grisâtre, indécise.)

Nous considérons donc les régions claires comme des continents et les régions foncées comme des mers.

Dans cette interprétation, la distribution géographique martienne est toute différente de la nôtre.

Sur la Terre, les trois quarts de la surface sont couverts par les eaux, et il n’y a pas le quart du globe d’habitable par la race humaine.

Sur Mars, la répartition est moins inégale, les deux éléments s’y partagent à peu près par moitié l’étendue du globe ; il y a seulement un peu plus de terres que de mers : 77 millions de kilomètres carrés de terres, et 66 d’eau. En éliminant les cercles polaires, les terres habitables de Mars représentent une surface cinq à six fois supérieure à celle de l’Europe.

Mais ces eaux ne doivent pas être, chimiquement ni physiquement, les mêmes que les nôtres. Il se passe sur Mars des phénomènes qui n’offrent aucune analogie avec ceux des éléments terrestres. Nous voulons parler des