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ARÉOGRAPHIE.
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entiers sans que l’on puisse faire une observation satisfaisante. Bien plus rares encore sont les soirs à images parfaites, ceux où l’on peut utiliser toute la puissance d’un instrument[1]. Quoi qu’il en soit, on peut espérer qu’en étudiant la constitution des climats par rapport à la netteté des images télescopiques, on arrivera, avec le temps, à réduire ces obstacles à un minimum. Enfin, l’expérience a appris que la difficulté de coordonner entre eux les résultats obtenus par divers observateurs à l’aide d’instruments diffé-

  1. Conseils pour l’observation de Mars

    Quoiqu’il fasse généralement beau sur Mars et que son atmosphère propre mette peu d’obstacles à l’observation de sa surface, les différences de tons sont souvent si peu accentuées et les contours des configurations si vagues et si incertains — à part quelques heures exceptionnelles de parfaite visibilité — que l’on ne peut obtenir de résultats satisfaisants sans une méthode d’observation assez sévère.

    Le premier point, naturellement, est d’avoir un bon objectif — ou un bon miroir, s’il s’agit de télescope. — La dimension de l’instrument est relativement secondaire. On a obtenu d’excellentes images avec de petites lunettes de 108mm, 95mm et même 75mm de diamètre, tandis que des colosses de près d’un mètre de diamètre et même davantage, comme télescopes, n’ont donné que des vues médiocres et presque impossibles à identifier. Donc, tout instrument peut servir, s’il est bon.

    Le second point est d’avoir la même température à l’instrument qu’au dehors. Si l’on observe en plein air, rien de mieux. Mais, si l’on se sert d’un équatorial abrité sous une coupole, il faut avoir soin d’ouvrir les trappes, les fenêtres et les portes, d’aérer le plus possible la coupole, plusieurs heures avant l’observation. Les vagues d’air chaud qui passent devant l’objectif, et qui sont grossies proportionnellement aux oculaires employés, sont le plus grand obstacle à la netteté des images.

    En troisième lieu, il importe de ne pas oublier que, les deux conditions précédentes étant remplies, la précision désirée ne sera pas obtenue pour cela dans les conditions normales de notre atmosphère, par la raison que lors même qu’elle nous paraît parfaitement pure, elle est traversée de couches de densité hétérogène qui se meuvent suivant les courants et qui troublent la vision. Il faut savoir attendre, parfois plusieurs heures, les moments assez fugitifs en général de calme absolu et de tranquillité parfaite.

    Les heures où l’atmosphère est la plus transparente sont celles qui ont été précédées par une pluie d’orage.

    Les heures de jour, aurore et crépuscule, nous ont toujours semblé meilleures que les heures de nuit.

    D’autre part, pour être assuré d’obtenir des vues certaines qui ne puissent être influencées par aucune idée préconçue, il importe de ne pas se préoccuper de la face de Mars tournée vers nous à l’heure de l’observation, et d’observer dans l’ignorance la plus grande de ce que l’on doit voir. On ne tarde pas à reconnaître l’une ou l’autre des configurations. Si l’on a observé plusieurs jours de suite, on sait à peu près d’avance ce que l’on doit voir, malgré tout l’oubli que l’on voudrait y apporter. Le mieux est de ne penser à rien et de s’occuper uniquement de constater le mieux possible ce que l’on a sous les yeux. Dans ce cas, les croquis ou dessins ont la plus grande valeur. Si l’on calcule d’avance le méridien central et si l’on met devant soi le globe ou une carte de Mars, on est préparé à voir ce qui doit être, et c’est déjà trop. D’ailleurs, on perd tout le plaisir à identifier ensuite ce que l’on a découvert. Ajoutons qu’il n’est pas mauvais de faire cette identification immédiatement après l’observation.

    L’œil s’accoutume aux conditions instrumentales et se perfectionne. Les premières observations ne sont, en général, guère satisfaisantes. De jour en jour on voit mieux. Pour arriver à bien dessiner Mars, il faut que l’œil s’habitue aux aspects de la planète pendant plusieurs jours. Les premiers croquis ne valent rien, en général, et ressemblent aux dessins primitifs faits par les anciens observateurs.