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LA PLANÈTE MARS.

restres s’effectue dans la période très longue de trente-huit jours environ. Par conséquent, telle région que l’on a pu étudier huit ou dix jours de suite (pourvu que l’atmosphère terrestre l’ait permis), restera inaccessible à l’observation pendant un mois entier, et, au bout de ce temps, une exploration attentive révélera parfois des changements très considérables dont il n’aura pas été possible d’indiquer l’époque et d’étudier la marche. Si, en outre (ce qui arrive souvent), le temps a été mauvais pendant les huit ou dix jours qui auraient pu servir à l’exploration de cette contrée, il s’écoulera peut-être plus de deux mois avant qu’on puisse l’examiner à nouveau ; souvent même, il arrivera qu’une opposition entière passera sans qu’on ait l’occasion favorable d’étudier une contrée donnée. Pour obvier à toutes ces difficultés, il n’y aurait qu’un seul moyen, ce serait de répartir un certain nombre d’observateurs à la surface de la Terre, de telle sorte que pendant toutes les apparitions de Mars il y en ait au moins un qui voie la planète à une hauteur suffisante au-dessus de l’horizon, pour obtenir une bonne image.

Ce n’est pas tout encore. On ne peut effectuer d’utiles observations de Mars que quand cette planète est suffisamment rapprochée de la Terre. Pour l’observation des détails les plus difficiles (qui sont en même temps les plus intéressants), il faut que son diamètre apparent soit au moins de 10″ à 12″. Cette condition n’est remplie que pendant quelques mois (trois ou quatre), vers les époques d’opposition ; or cette circonstance ne se présente que par intervalles de vingt-six mois environ. Chaque opposition ne peut donc nous faire connaître l’état de la planète que pendant une faible fraction de sa révolution périodique. Heureusement, cet arc de l’orbite n’est pas toujours le même, car, quand une opposition se produit à un certain point de l’orbite de Mars, l’opposition suivante a lieu en un point dont la distance par rapport à nous est plus grande d’environ 48° de longitude héliocentrique.

On voit donc que, pour pouvoir suivre la planète dans toutes les inclinaisons possibles de son axe et en toutes ses saisons, il faut un cycle de sept à huit oppositions consécutives, cycle dont la durée est de seize ans en moyenne. Si les phénomènes martiens étaient exactement périodiques et dépendaient de la révolution autour du Soleil, on pourrait espérer en écrire l’histoire complète au moyen d’observations appliquées à l’un de ces cycles ou à quelques-uns d’entre eux. Mais cette périodicité ne paraît qu’approximative, comme celles de la météorologie terrestre.

Les obstacles qu’on vient de signaler sont d’un caractère purement astronomique. Ceux qui sont causés par le mauvais temps et la mobilité de l’atmosphère terrestre sont bien plus graves. M. Schiaparelli a constaté par expérience, à Milan, que l’on peut à peine espérer avoir une atmosphère suffisamment bonne sur huit ou dix soirs ; parfois même, il se passe des mois