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ARÉOGRAPHIE.

arides ; elle vit : le développement de sa vie se révèle dans tout un système de transformations très compliquées, dont quelques-unes embrassent une étendue suffisante pour être visibles aux habitants de la Terre. Il y a là à explorer un monde tout entier de choses nouvelles, éminemment propres à provoquer la curiosité des chercheurs et à fournir du travail en surabondance aux télescopes pour de nombreuses années. Ces phénomènes, en effet, diffèrent tellement et sont diversifiés de tant de détails, qu’on ne pourra reconnaître ce qu’ils peuvent avoir de régulier qu’à la suite d’études rigoureuses et complètes ; ce sera le seul moyen de tirer des conclusions précises et à peu près vraisemblables sur les causes de ces modifications et sur la constitution physique de Mars. »

On ne peut se dissimuler que de telles études, pour être exactes et complètes, rencontrent maintes difficultés. Parmi les variations qui se produisent à la surface de la planète, quelques-unes s’effectuent lentement (comme, par exemple, les augmentations et diminutions périodiques des éclatantes neiges polaires) et présentent des phases relativement faciles à suivre. Mais il y a encore des changements d’une autre sorte ; les uns s’accomplissent en quelques jours, les autres sont presque soudains, et leur effet est visible d’un jour à l’autre ; telle est l’énigmatique duplication des canaux. Il se présente enfin des phénomènes dont la période dépend évidemment de la révolution annuelle de la planète. Pour bien comprendre le mécanisme de ces changements, il serait nécessaire de faire une série d’observations ininterrompues pendant au moins tout le temps que la planète emploie à parcourir son orbite autour du Soleil. Cette condition est imposée non seulement par la nécessité d’explorer les taches polaires boréales et australes aux époques où l’inclinaison de l’axe est le plus favorable à l’observation, mais aussi par ce fait également certain qu’une partie des phénomènes en question dépend des saisons de la planète.

À la vérité, un tel contrôle complet n’est pas possible pour un observateur isolé ; il serait même impossible pour plusieurs observateurs, si ceux-ci habitent un pays circonscrit et peu étendu de la surface terrestre, l’Europe, par exemple. Par les jours si rares de bonnes observations, on ne peut guère utiliser vraiment que deux ou trois heures, pendant le crépuscule, au commencement ou à la fin de la nuit. Il en résulte que, un jour donné, on aura rarement la chance de pouvoir observer plus d’un quart de la planète avec une facilité suffisante ; comme, d’autre part, la rotation de Mars diffère très peu de celle de la Terre, le déplacement des régions accessibles à l’observation s’accomplit lentement d’un jour à l’autre, de sorte qu’un seul et même point de la planète peut être observé pendant huit ou dix soirs consécutifs. Mais le retour du même aspect des taches aux mêmes heures ter-