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LA PLANÈTE MARS.

en deux classes. La première comprend les contrées claires, présentant une coloration ordinairement jaune foncé ou orangé, mais qui peut varier momentanément, et selon la localité, d’une part entre toutes les nuances du jaune jusqu’au blanc pur, d’autre part entre toutes les teintes comprises entre l’orangé rouge et un rouge foncé que l’on peut comparer à celui de la brique bien cuite, ou mieux peut-être, à celle du cuir fortement usé. La seconde classe est celle des régions foncées qui constituent les taches dans le sens propre du mot et dont la couleur fondamentale paraît une sorte de gris de fer teinté de vert, présentant toutes les gradations depuis le noir jusqu’au gris cendré. En général, les régions de la seconde classe paraissent être plus sombres que les premières ; mais il arrive aussi que dans le changement de couleur auquel sont soumises certaines étendues de la planète, les taches de la première catégorie prennent une coloration rouge foncé et celles de la seconde une teinte claire ; alors on ne peut pas dire quelles sont les plus claires ou les plus foncées ; en un mot, il s’agit plutôt de différences de couleurs que de différences d’intensité lumineuse. Néanmoins la distinction qui existe entre les deux genres de régions est à peu près permanente à part quelques exceptions.

L’invariabilité séculaire des taches de Mars ne doit pas être comprise dans un sens absolu et aussi rigoureusement que celle des taches de la Lune. L’observation assidue a montré que plusieurs régions de la surface de la planète changent de nuance dans certaines limites et que les rayons solaires sont réfléchis avec une intensité différente, selon les moments. Les contours des taches sombres peuvent subir des déplacements qui, à vrai dire, sont très minimes, comparés aux dimensions de la planète et à celles des taches elles-mêmes, mais qui n’en sont pas moins incontestables ; d’autre part, la netteté des contours est tantôt plus grande, tantôt moins précise. Beaucoup de fins détails sont plus facilement visibles à certaines époques qu’à d’autres, même si l’on tient compte de l’influence inévitable exercée par les diverses circonstances de l’observation ; ces détails peuvent subir des changements d’aspect relativement notables, mais insuffisants pour rendre douteuse l’identité de l’objet considéré. Enfin Mars a une atmosphère, et il se produit là un ensemble de phénomènes que l’on peut considérer comme météorologiques, par analogie avec ceux qui se passent sur la Terre, bien que vraisemblablement ils soient très différents.

L’ensemble de tous ces changements donne à l’étude de Mars un bien plus grand intérêt que si tout était invariable, immobile à sa surface. Comme écrivait M. Schiaparelli[1] : « Cette planète n’est pas un désert de roches

  1. L’Astronomie, 1889, janvier, p. 20.