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LA PLANÈTE MARS.

réciproque dans les hautes latitudes, et leur connexion avec une tache polaire centrale et l’existence de cette tache centrale elle-même, n’ont pu former l’objet d’observations, à cause de la position défavorable de l’axe de la planète. Cela est arrivé entre octobre 1879 et février 1880, quatre mois avant et un mois après l’équinoxe vernal de Mars.

Pendant l’opposition suivante, 1881-82, le pôle boréal s’est trouvé toujours presque exactement sur la limite de l’hémisphère visible ; si la calotte polaire boréale avait eu seulement 10° ou 15° de diamètre, elle aurait été visible sans doute à la place que le calcul lui assignait. Le fait est que, depuis le 26 octobre 1881 jusqu’au 25 janvier 1882, aucune tache polaire permanente n’a pu être observée dans l’endroit du pôle. Il s’ensuit que, pendant cet intervalle, la calotte boréale (si même elle a existé) n’a pu dépasser en aucune façon 10° ou 15° de diamètre. À la vérité, certaines apparences blanchâtres n’ont pas manqué de se présenter presque journellement dans la partie plus boréale du limbe. Mais cette fois, comme en 1879, il a été facile de reconnaître que de telles apparences ne pouvaient être produites par une tache polaire fixe. Non seulement elles étaient ordinairement pâles, peu définies, variables d’éclat et de grandeur ; mais, comme en 1879, le changement sensible de leur direction, par l’effet de la rotation de la planète, accusait une distance assez grande du pôle et donnait même le moyen de déterminer approximativement cette distance. L’irrégularité de leur apparition et la visibilité simultanée de deux taches semblables, à peu de distance l’une de l’autre, montrait avec la plus grande évidence qu’il s’agissait ici, non d’un seul objet, mais de plusieurs ramifications blanches semblables à celles qu’on avait vues en 1879. Un examen attentif a même fait reconnaître que les différentes branches avaient à peu près la même position en longitude que les taches de 1879 ; mais, en 1881−82, la distance polaire était peut-être un peu moindre.

Vers le commencement de janvier 1882, on commença à reconnaître dans tout ce système de taches blanches, les symptômes d’une concentration progressive vers le pôle. Les branches raccourcies et ensuite augmentées finirent par se réunir entre elles, en formant une seule calotte compacte et concentrique au pôle. Le 26 janvier, après quelques jours de mauvais temps, apparut pour la première fois la tache polaire proprement dite, telle qu’on l’a vue toujours depuis, jusqu’à la fin de cette opposition. Elle était bien formée en une masse unique brillante, à peu près ronde, avec 45° environ de diamètre, à contours bien déterminés et assez réguliers. Cette phase de la rapide coagulation de la tache a donc eu lieu un mois et plus après l’équinoxe vernal, et cinq mois avant le solstice boréal. Il faut bien avouer qu’ici l’analogie avec les glaces polaires terrestres ne se soutient plus que d’une manière imparfaite. La diminution progressive après cette époque est démontrée par le Tableau suivant des diamètres apparents. Chaque diamètre est la moyenne de plusieurs jours d’observation.

La tache a diminué rapidement d’éclat en juillet 1888, par suite de l’énorme obliquité de l’illumination solaire, suivie bientôt par son immersion dans la nuit du