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SCHIAPARELLI. — LES CANAUX.

La distance entre les deux lignes parallèles est fort différente d’une gémination à l’autre ; la limite supérieure peut être estimée à 10° ou 12°, même à 15° pour certaines géminations très longues et imparfaitement marquées, comme celles du Titan en 1882 et du Gigas en 1884. Quant à la limite inférieure, elle ne peut être déterminée que par rapport à la puissance du télescope employé et aux circonstances de l’observation ; en 1888, Protonilus et Callirrhoe étaient résolubles en deux lignes espacées de 3° au plus. Il arrive quelquefois qu’on peut conjecturer qu’une ligne est double, par son aspect particulier, sans qu’on puisse séparer complètement les deux lignes composantes. Le dédoublement d’une ligne peut donc échapper même à un observateur attentif.

La largeur, ordinairement uniforme et égale pour ces deux bandes, est très différente d’une gémination à l’autre, depuis une ligne d’épaisseur imperceptible jusqu’à 3° environ. Le rapport de cette largeur des bandes à l’intervalle lumineux qui les sépare est très variable. Ordinairement l’intervalle est plus large que chacune des bandes ; souvent il a été égal ou même un peu plus étroit.

La couleur est presque toujours la même dans ces deux bandes, sous le double rapport de la qualité et de l’intensité ; mais elle présente des variétés considérables d’une gémination à l’autre. Elle est généralement noire, ou du moins, foncée dans les géminations composées de lignes très minces ; les bandes plus larges sont rarement noires ou brunes (un cas remarquable a été la gémination du Cyclops en 1882, si forte et si marquée, que nul autre objet sur le disque ne pouvait lui être comparé) ; elles se montrent assez souvent d’un rouge-brique de nuance plus ou moins sombre. Quelques bandes ont été tellement pâles, qu’on pouvait à peine en constater la présence sur le fond jaune de la planète, malgré une largeur considérable de plusieurs degrés. En diverses occasions, j’ai pu constater que l’intersection de ces bandes plus pâles avec un autre canal produit un renforcement sensible de couleur dans la place de l’intersection. Je suis porté à croire que, dans tous les canaux doublés, la couleur est toujours la même en qualité, et que les différences ne regardent que l’intensité.

Si un canal double est coupé en deux sections par un autre canal, et si l’une Fig. 231.

Élargissement des deux bandes d’un canal, près d’une intersection.
des bandes est plus large ou plus intense d’un côté de l’intersection, l’autre bande le sera aussi, comme le montre la figure ci-dessus (fig. 231). Tels ont été Antæus-Eunostos en 1882, Euphrates en 1888. Si l’une d’elles est très mince ou peu visible d’un côté de l’intersection, l’autre sera aussi très mince ou peu visible, et, dans ce cas, il peut arriver que l’une des deux manque complètement ou soit invisible. On a alors l’exemple d’un canal qui est double dans une section de son cours et