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LA PLANÈTE MARS.

tique du Sablier avec laquelle nous avons déjà fait connaissance. Nous signalerons entre autres le croquis du 17 mai, à 10h 30m, fait à la plume comme tous les autres, et qui dessine bien cette forme. Mars était alors fort éloigné de la Terre, tandis qu’en 1672 il était passé en opposition vers son périhélie. Huygens a encore fait, le 4 février 1694, une esquisse du même ordre.

On en était là de l’étude de Mars lorsque Fontenelle publia ses Entretiens sur la pluralité des Mondes. Remarque assez curieuse, Mars était passé très près de la Terre en 1672, et on ne l’avait observé qu’au point de vue de l’astronomie de position : la connaissance de sa constitution physique n’a pas fait un seul pas, si ce n’est la constatation de la tache polaire australe par Huygens.

XV. 1686. — Fontenelle.

Le spirituel auteur des Entretiens sur la pluralité des Mondes[1] s’occupe de toutes les planètes, du Soleil et des étoiles fixes, et nous expose dans le plus élégant des langages ce que l’on en savait à son époque. Quoiqu’il parle assez longuement de Vénus, de sa rotation, de ses années, de ses climats et même de ses montagnes, il semble dédaigner quelque peu la planète qui nous occupe ici. « Mars, dit-il, n’a rien de curieux que je sache ; ses jours sont de plus d’une demi-heure plus longs que les nôtres, et ses années valent deux de nos années, à un mois près. Il est cinq fois plus petit que la Terre, il voit le Soleil un peu moins grand et moins vif que nous ne le voyons ; enfin Mars ne vaut pas trop la peine qu’on s’y arrête. Mais la jolie chose que Jupiter avec ses quatre lunes ou satellites ! »

C’est tout ce qu’il dit de Mars. Il y revient un peu plus loin à propos de « l’absence de satellites », qu’il regrette infiniment au point de vue de la logique. « On ne peut pas nous le dissimuler, répond-il à la marquise, il n’en a point, et il faut qu’il ait pour ses nuits des ressources que nous ne savons point. Vous avez vu des phosphores, de ces matières liquides ou sèches, qui, en recevant la lumière du Soleil, s’en imbibent et s’en pénètrent, et ensuite jettent un assez grand éclat dans l’obscurité. Peut-être Mars a-t-il de grands rochers fort élevés, qui sont des phosphores naturels, et qui prennent pendant le jour une provision de lumière qu’ils rendent pendant la nuit. Vous ne sauriez nier que ce ne fût un spectacle assez agréable de voir tous ces rochers s’allumer de toutes parts dès que le Soleil serait couché, et faire sans aucun art des illuminations magnifiques, qui ne pourraient incommoder par leur chaleur. Vous savez encore qu’il y a en Amérique des oiseaux qui sont si lumineux dans les ténèbres qu’on s’en peut servir pour lire. Que

  1. Première édition ; Paris, 1656.