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SCHIAPARELLI. — LES CANAUX.

espaces lumineux qui l’environnent) paraît souvent tout à fait noire : sa largeur, de 4° ou 5° à peu près, paraît exactement uniforme dans la partie septentrionale au delà du 20e parallèle nord. Ses bords sont sensiblement tranchés, et leur parcours général est courbé d’une manière régulière ; il y a bien l’apparence de très petites dentelures sur toute leur longueur, mais il ne m’est jamais arrivé de voir ces dentelures une à une. Si les taches sombres de la planète sont des mers, une semblable formation doit être considérée comme un canal ; nous emploierons ce nom sans nous prononcer sur la véritable nature de la chose.

Le Nilosyrtis n’est pas le seul canal qui existe sur Mars, mais c’est de beaucoup le plus large et le plus visible ; on le trouve déjà dans les dessins de Schrœter et, pendant les trente dernières années, il a été remarqué par un grand nombre d’observateurs. Secchi, en 1858, et Dawes, en 1864, ont reconnu d’une manière plus ou moins distincte l’existence de plusieurs autres formations analogues ; leur nombre s’est multiplié dans les derniers temps d’une manière inattendue, et il est maintenant hors de doute que ces canaux forment un réseau fort compliqué, qui couvre toutes les régions continentales de la planète.

Le Planisphère I (voy. p. 440) a donné une représentation schématique de ce réseau, comprenant à peu près tous les canaux dont j’ai pu constater d’une manière distincte l’existence par les observations de 1877 à 1888. Par le mot schématique, j’entends dire que les lignes ou bandes du réseau sont tracées de manière à donner approximativement la longueur et la direction de chaque canal, les rapports de position des uns à l’égard des autres, et la forme des polygonations qui en résultent, sans tenir aucun compte ni de leur degré de coloration ou d’obscurité, ni de leur largeur (à l’exclusion du Nilosyrtis qui est d’une largeur tout à fait exceptionnelle), ni de leur apparence plus ou moins nettement définie sur les deux bords, ni de la duplication à laquelle beaucoup d’entre eux sont sujets à certaines époques. En effet, ces éléments de visibilité, de largeur et de forme sont plus ou moins variables d’une opposition à l’autre, et même d’une semaine à l’autre pendant la même opposition ; et leurs variations ne sont pas simultanées pour tous les canaux, mais dans la même région et à la même époque, elles peuvent être très différentes d’un canal à un autre canal contigu. Il s’ensuit de là qu’on peut bien concevoir une représentation de ces canaux, correspondante à une époque donnée ; mais qu’il est impossible d’en tracer une carte permanente. Qu’on ne s’attende donc pas à trouver une ressemblance exacte (ou même approchée) entre notre Pl. I et l’aspect des canaux de Mars ; car une telle ressemblance n’est possible ni d’une façon absolue, ni même pour un espace de temps un peu long. Chaque canal de la carte désigne tout simplement un espace linéaire, ou plutôt une bande étroite, sur laquelle peuvent se développer dans la suite des temps les différentes apparitions qui se rattachent à un canal déterminé. On voit donc que cette carte (en ce qui regarde les canaux) n’est qu’une sorte d’index topographique, nécessaire pour l’intelligence et la coordination des détails très nombreux et très variables qu’on observe à chaque instant sur les différentes régions. Une telle représentation ne