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LA PLANÈTE MARS.

C. — Les variations de ton des mers..

Les mers présentent, elles aussi, de très remarquables changements de couleur, mais plus lentement et plus régulièrement. Au point où en sont arrivées les études que j’ai commencées, j’ose affirmer qu’en passant du méridien central aux positions obliques, sous l’influence de la rotation diurne, elles ne changent pas de couleur. J’ai à maintes reprises suivi les changements de couleur de l’île d’Argyre, qui virait du rouge foncé au blanc le plus brillant, au fur et à mesure que l’inclinaison du rayon visuel augmentait, sans que l’on eût constaté aucune variation dans la couleur ou dans l’obscurité des mers environnantes. J’ai observé plus d’une fois le même phénomène sur la petite île Œnotria, dans la Syrtis Magna. Ce fait prouve que la surface de ces mers est, dans un certain sens, différente de celle des autres régions considérées jusqu’à présent ; en tout cas, il doit être regardé comme fondamental dans l’étude de la nature physique de Mars.

Il n’est pas moins certain que, d’une opposition à l’autre, on aperçoit, dans les mers, des changements de tons très remarquables. Ainsi, les régions nommées mer Cimmerium, mer Sirenum et lac du Soleil, qui, pendant les années 1877 à 1879, pouvaient être mises au nombre des plus sombres de la planète, sont devenues de moins en moins noires, pendant les oppositions suivantes, et en 1888 elles étaient d’un gris clair qui suffisait à peine à les rendre visibles dans la position bien plus oblique où elles se trouvaient toutes trois. Pendant ces années 1877 à 1879, la Syrtis Magna et le Nilosyrtis ont paru très noirs, mais en 1888 le Nilosyrtis n’avait pas varié, tandis que la Syrtis Magna (à part une petite raie au-dessous de l’embouchure du Népenthès et quelques autres zones très étroites) était devenue si claire qu’elle se détachait très peu sur les régions avoisinantes, notamment sur la Libye. La mer Érythrée était devenue très claire, elle aussi, à l’exception de ses trois golfes, le Sinus Sabæus, le Margaritifer Sinus et l’Auroræ Sinus, qui, par conséquent, auraient pu être désignés, non comme trois golfes, mais bien plutôt comme trois grandes îles isolées. Par contre, au même moment, la mer Acidalienne et le lac Hyperborée ont paru très foncés ; ce dernier paraissait en effet très noir, bien qu’il ne fût pas sous une plus faible inclinaison que la Grande Syrte et les mers méridionales mentionnées plus haut. L’état des régions appelées mers n’est donc pas constant : cela est indubitable. Peut-être la modification qui se produit est-elle en rapport avec les saisons de la planète.

D. — Les canaux..

Lorsque l’on considère sur la carte I le grand golfe placé au-dessous de l’équateur de la planète, par 290° de longitude, on voit qu’il se prolonge vers le Nord jusqu’au delà du 45e parallèle par un long appendice appelé Nilosyrtis. C’est une bande ordinairement très sombre qui même (peut-être par contraste avec les